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Du 24 au 27 octobre 2007, se tenait la XIeme conférence européenne sur le sida à Madrid. Nous y étions, certaines communications ont retenu notre attention. Retour un peu tardif sur une conférence pourtant intéressante.

Nous étions 3 800 participants, provenant de 67 pays différents. Ce nombre important confirme l’intérêt pour cette conférence qui s’organise tous les deux ans, depuis 11 ans : 1997 à Hambourg, 1999 à Lisbonne, 2001 à Athènes, 2003 à Varsovie, 2005 à Dublin, 2007 à Madrid et en 2009 à Cologne.

L’inquiétante résistance de la tuberculose

La première intervention de plénière qui ne soit ni un discours officiel, ni des remerciements ou autres congratulations, a porté sur la tuberculose et l’ampleur de l’épidémie qui touche tous les pays du monde et principalement la région d’Afrique du Sud-Est. 8,8 millions de nouveaux cas chaque année, la tuberculose a tué 1,6 million de personnes en 2005. La tuberculose MDR et la tuberculose XDR, résistantes se propagent dans le monde[[Tuberculose MDR pour multidrug-resistant et la XDR pour extensively drug-resistant.]]. Un système de surveillance a été mis en place dans certains pays mais pas encore partout. Pourtant faut-il rappeler combien la surveillance est importante dans le travail de prévention. Ces tuberculoses sont résistantes à l’isoniazide et à la rifampicine, pour la première citée et en plus aux fluoroquinolones et au moins à l’un des antibiotiques suivants : capréomycine, kanamycine ou amikacine pour la seconde, autant dire que pour traitées les personnes atteintes de ces maladies, la tâche n’est pas aisée, elle devient même quasiment impossible quand en plus se greffe le VIH. Pour finir l’orateur rappelle combien les épidémies de VIH et de tuberculose sont imbriquées. Ce sujet en plénière étonne et change des présentations qui font la synthèse des connaissances d’un sujet particulier, comme les présentations qui s’en suivent.

Synthèse mon amie

Ainsi, l’intervention suivante rappelle les bases : 6 classes de médicaments, plus de 20 molécules, nous sommes aujourd’hui face à des traitements simplifiés, des effets secondaires moindres pour les nouvelles molécules, et une prévention mieux comprise. Mais de rappeler que les traitements ne sont toujours pas dans les pays à faibles ressources et ce pour différentes raisons : trop cher, trop complexe et longtemps on a cru que la prévention était plus importante que les traitements. Aujourd’hui des éléments positifs s’additionnent pour développer l’arrivée des traitements dans ces pays : réduction des prix, déclarations communes des Nations Unies à l’UNGASS en 2001 et établissement de mécanismes de récoltes de fonds par : la Banque Mondiale, le Global Fond et Pepfar. De plus l’OMS a donné des guidelines claires et a mis en place le programme 3 X 5. Mais nombre de personnes n’ont toujours pas accès aux traitements. De plus, les antirétroviraux ont des problèmes de toxicité et de durabilité, les taux de mortalité sont toujours élevés, les traitements de secondes lignes ont une longévité restreinte et les outils de monitoring sont également limités. La priorité des recherches doit porter sur : les traitements de première ligne qui doivent être plus sûrs et plus robustes ; l’initiation des traitements doit être plus précoce ; les outils de mesure de la charge virale et des CD4 doivent être meilleur marché et il faut prendre en compte la mise sous traitement conjointement pour le VIH et la TB.

En 2006 il y a eu 4.3 millions de nouvelles infections. Les raisons reposent sans doute sur l’échec du tout prévention, principalement par manque d’accès aux informations et aux préservatifs. Ainsi en Afrique la moyenne donne 3 préservatifs par homme et par an !… L’orateur de conclure sur « En plus la vulnérabilité des femmes est toujours aussi problématique et il faut s’y pencher ». Pour exemple il développe les objectifs d’une recherche en prévention qui est aujourd’hui indispensable si l’on souhaite un jour juguler la pandémie : microbicides et diaphragme ; traitements des infections sexuellement transmissibles ; la circoncision ; les prophylaxies orales (PREP), des pistes qu’il convient de maîtriser si on ne veut pas obtenir l’effet contraire de celui escompté.

Vieillir avec le VIH

Les séances de mise à jour des connaissances se sont succédées sans apporter de grandes révélations, sans l’annonce qui révolutionnera la planète sida.

Un sujet nouveau cependant les personnes âgées vivant avec le VIH. Ce thème semble à la mode en ce moment et après le congrès de Strasbourg, en octobre 2007, ce sujet se retrouve dans une plénière de la conférence européenne. Il faut s’en féliciter car cela fait bientôt 30 ans que l’épidémie a démarré et devenir vieux avec le VIH est encore du domaine de l’inconnu. Le cas sur lequel s’est appuyé notre orateur est celui d’une femme née en 1919 découvrant sa séropositivité en 2000, suite à une tuberculose. Elle a une charge virale de 230 000 copies et il lui reste à peine plus d’une soixantaine de CD4. La mise sous traitement se passe bien mais en 2005 elle a des épisodes de démence mais qui peuvent faire penser aussi bien à une démence due au VIH, qu’à un Alzheimer. Notre orateur nous laissera sur notre faim en posant quelques questions éthiques difficiles comme faut-il forcer une personne âgée, devenue démente à prendre ses pilules ? Cette femme en effet ne voulait plus prendre de ténofovir (Viréad®) car la couleur bleue ne lui plaisait pas. Faut-il changer le traitement et trouver des molécules qui puissent lui être injectées ? De quoi faire réfléchir.

La mise sous traitement

Les sessions suivantes ont porté sur le moment d’initier le traitement ou les critères pour en changer et comment, ou encore les comparaisons entre différentes combinaisons du style « la mienne est meilleure que la tienne ».

La mise sous traitement lorsque le taux de CD4 atteint 300-350 est maintenant recommandée. Tant que ce taux n’est pas atteint, il n’est pas nécessaire de le faire. Une présentation en a détaillé les raisons : mieux vaut mettre une personne sous traitement autour de 300 CD4 que de le faire trop tôt, cela évite d’avoir à faire des interruptions, dont les experts s’accordent à dire que c’est risqué, stratégie thérapeutique fortement déconseillée. Une autre présentation complétait ces informations. En se basant sur un tour d’horizon des différentes recommandations à propos du moment important qu’est la mise sous traitement, il nous a été expliqué en quoi ce cap peut-être difficile pour les malades. S’appuyant ensuite sur les résultats de différentes cohortes, l’orateur a renchéri sur le fait que les gains en CD4 étaient meilleurs parmi les personnes ayant commencé tôt le traitement. Il n’y a pas eu de réaction dans la salle, ce principe semble donc admis. Mais l’intervention intitulée « HIV is my disease » s’est terminée sur un rappel clair ; chaque personne a sa propre « bonne heure » pour être mise sous traitement.

Et les femmes ?

Les présentations d’essai et de leurs résultats se sont succédées, et toutes ont un point commun : un grand écart entre le nombre de participants et le nombre de participantes : 28 % de femmes versus 72 % d’hommes (Cohorte espagnole Picasso), 17 % versus 83 % (Essai Monark de Abbott), 21 % versus 79 % (Essai Gemini), 13 % versus 87 % (Essai Motivate de Pfizer), etc. Toujours ce même fossé, que ce soit dans les posters ou dans les présentations orales, les femmes ne dépassent pas le tiers des participants. Cependant, un symposium satellite consacré à la question des femmes était organisé un soir par le laboratoire Abbott. Et inévitablement quand on se penche sur les femmes, on y accole les enfants, à croire que les hommes ne sont pas concernés par cette problématique et que les femmes le sont forcément. C est un peu désespérant.

Nous avons pu enfin assister à une présentation où ont été énoncés clairement les problèmes que nous ne cessons de répéter. La première présentation s’intitulait « Perspectives actuelles sur la gestion du VIH chez les femmes ». Elle a abordé les différences spécifiques aux femmes, les connaissances limitées, les stratégies mises en place. Régulièrement l’intervenante s’excusait du manque de données, avec des « éléments que nous ne connaissons pas », « caractéristiques que nous ne savons pas », « événement dont nous ne connaissons pas l’origine », etc. Si c’était frustrant, cela avait au moins pour mérite de rappeler que la médecine en général, ne se soucie que peu des connaissances liées aux corps des femmes. Si les taux de charge virale peuvent être différent entre les hommes et les femmes, la progression de la maladie ne semble pas dissemblable, ni la réponse aux antirétroviraux.

Quelques différences, quelques données

Les différences homme/femme nous ont été listées de façon détaillée et de rappeler à chaque fois que cela peut avoir des conséquences sur la prise de traitement. Ainsi la taille, la proportion de graisses, la concentration des enzymes responsables du métabolisme des traitements, les effets des hormones (gonadotrophines, traitement hormonal de substitution, grossesse, contraception orale) tous ces éléments diffèrent avec les corps masculins. La taille plus petite des femmes n’est pas qu’une question de centimètres, les organes sont aussi plus petits et de ce fait, les concentrations de certains antirétroviraux sont donc plus élevées chez les femmes : les concentrations de la névirapine (Viramune®), du saquinavir (Invirase®), de l’efavirenz (Sustiva®) et du lopinavir (Kalétra®) sont 20 % plus élevés chez les femmes.

On trouve donc des différences dans la survenue de certains effets secondaires. Ainsi les conséquences hépatotoxiques de la névirapine sont plus fréquentes chez les femmes. Une cohorte italienne montre que les femmes sont plus de deux fois susceptibles d’arrêter les traitements pour raison de toxicité que les hommes.

Les délais d’initiation d’un traitement antirétroviral est plus long chez la femme, du fait d’une grossesse potentielle, que ni le médecin, ni la femme ne veut risquer de perturber. L’étude Cascade montre, elle, que les femmes marginales ont plus de risque de se faire contaminer que les hommes dans la même situation de précarité.

La présentation a abordé aussi l’inégalité d’accès à la recherche, et a montré, tableau à l’appui, la différence du nombre de participants entre les deux sexes. Ceci a pour conséquence directe que les études n’ont pas la puissance statistique pour des comparaisons sexuées. Du coup les questions restent en suspens, le choix optimal des molécules et de leur dosage n’est pas clairement établi, les effets indésirables sur le court ou le long terme ne sont pas mieux connus. Seule la névirapine a fait l’objet de recherche de pharmacocinétique sur des femmes enceintes. L’efavirenz n’a pas été spécifiquement étudié mais a bénéficié d’un certain nombre de retours d’informations. Ne sont pas recommandés pendant la grossesse : l’efavirenz, la delavirdine (Rescriptor) et la zalcitabine (Hivid® aujourd’hui retiré du marché), pour les autres traitements les données sont insuffisantes.

L’intervention suivante traitera des femmes en tant que mères. Beaucoup de recommandations existent dans ce domaine, et la différence est criante après la présentation précédente. Une cohorte des USA indique que les femmes sont plus adhérentes pendant leur grossesse et que leur observance baisse au fil du temps après l’accouchement passant de 75 % pendant la grossesse à 53 % 6 mois après.

L’oratrice nous rappelle que la grossesse signifie une augmentation du volume… du corps en général, mais aussi du sang ce qui a pour conséquence une augmentation du travail des reins et du foie et donc une accélération de l’élimination des médicaments. Cet élément doit être pris en compte dans la surveillance particulière des femmes séropositives enceintes. La plénière du lendemain consacrée à la prévention, commencera par un rappel général : Auourd’hui, les personnes les plus susceptibles d’être infectées par le VIH dans le monde, sont les femmes, jeunes et africaines, le lien est fait.