La question des migrantEs et du VIH était une priorité de notre agenda. Au vu du programme, on est un peu déçuEs : peu de « grandes » sessions directement liées au VIH chez les migrantEs au final, surtout si l’on compare avec le reste du programme. Mais quand même quelques sessions intéressantes notamment concernant les restrictions de voyage pour les personnes séropositives.
Les sessions portent le plus souvent sur les migrations au niveau du Mexique et des Etats-Unis, ce qui est logique au regard du lieu de la conférence. Plutôt que de faire un résumé de chaque session, autant résumer ce que l’on a appris.
L’accès aux soins
Avant tout, le système français, bien qu’il soit réellement critiquable, demeure, de loin, le plus protecteur pour les étrangerEs malades. Cela ne fait que renforcer la volonté de le protéger contre toute attaque nationale ou européenne, mais aussi de défendre et de favoriser son extension dans d’autres pays.
En revanche, nous partageons avec l’ensemble des pays le même constat alarmant : les migrantEs en situation irrégulière sont les personnes qui ont le plus de difficultés pour accéder aux soins. Cela a inévitablement pour conséquence une augmentation des risques de contamination que ce soit au VIH ou à d’autres pathologies.
Ainsi, selon une intervenante de l’OMI (Organisation Internationale des Migrations), en Italie, environ 70% des migrantEs en situation irrégulière vivant avec le VIH arrivent à l’hôpital au stade sida.
Cet accès difficile au système de soins est dû le plus souvent aux lois et aux réglementations des pays qui n’accordent pas aux non-nationaux le droit de se soigner. Néanmoins, il ne faut pas sous-estimer le fait que pour beaucoup de migrantEs les lieux de soins sont perçus comme des lieux où ils/elles courent un risque, notamment en termes d’arrestation.
Les restrictions de circulation pour les séropos
Une session entière fut consacrée au « travel ban » (restrictions de circulation des Etats-Unis. Avant 1993 cette mesure était contenue dans un règlement que Clinton avait souhaité supprimer. Malheureusememt, le Congrès en décida autrement et renforça ce principe en l’inscrivant dans la loi. Récemment, lors du vote par le Congrès de la participation financière des Etats-Unis à la lutte contre le sida (PEPFAR), la question du travel ban a été abordée. Et le principe de sa suppression voté.
Pour autant la situation actuelle des séropositifVEs étrangErEs voulant entrer aux Etats-Unis n’est toujours pas claire. En effet les activistes américainEs ne s’accordent pas sur ce qu’il faut comprendre du récent vote du congrès : pour certains le travel ban a été aboli, pour d’autres il est encore en vigueur. Il semblerait que sur ce sujet, comme sur beaucoup d’autres, la prochaine élection présidentielle sera décisive. Selon les intervenantEs, Obama se serait prononcé pour la levée du travel ban, et Mc Cain favorable à son maintien. Cela dit, de nombreux activistes américainEs nous ont dit que la position d’Obama, comme celle de Mac Cain, n’était pas aussi claire !
Le travel ban a un impact très important sur les migrantEs vivant aux Etats-unis. En effet, leur séropositivité empêche toute régularisation. Et peu importe qu’ils aient déjà été séropositifs en arrivant ou qu’ils se soient contaminés aux Etats-Unis.
Ainsi des personnes qui vivent aux Etats Unis depuis des années (5, 10, voire 30 ans) et qui s’y sont contaminées ne peuvent plus obtenir leur régularisation, quand bien même toutes les autres conditions pour l’obtenir sont réunies. Elles se retrouvent alors devant ce dilemme : rentrer chez elles où l’accès aux ARV est inexistant, ou bien rester en situation irrégulière aux Etats-Unis. Vivre clandestin ou mourir ?
Mais ces restrictions à l’entrée et au séjour des séropositifVEs ne concernent pas que les Etats-Unis. Selon l’OMI, ce type de restrictions existe dans environ 70 pays. Elles sont vivement dénoncées par cet organisme intergouvernemental, car elles renforcent la stigmatisation et les discriminations à l’encontre des personnes séropositives.
Dans les autres sessions consacrées au sujet, il est largement question des migrantEs mexicains, parfois aussi des migrantEs en Asie et dans la région du Golfe. Dans de nombreux pays, un test de dépistage du VIH est obligatoire pour obtenir un titre de séjour ou une autorisation de travail. S’il se révèle positif, la personne est immédiatement expulsée. Ces test ont lieu lors des grossesses, lors du renouvellement ou de la délivrance du premier titre de séjour ou encore à l’arrivée dans le pays, pour décourager l’immigration.
L’oratrice qui s’interrogeait sur la raison de ces tests obligatoires proposait deux explications. La première est que cette mesure est imposée par peur d’une augmentation des cas de contaminations au cas où des séropositifVEs étrangErEs entreraient sur leur territoire. La deuxième est d’ordre économique. Les pays « d’accueil » n’ont pas envie de payer la prise en charge médicale d’une personne malade.
Un exemple de l’effet de ces tests nous a été présenté. Cela se passe à Dubaï : un travailleur allait faire renouveler son titre de séjour. Il avait l’obligation de se faire tester. Il est positif. On l’envoie dans un hôpital qui s’avère être un centre de rétention déguisé. Pendant 15 jours, on ne lui explique absolument rien. Un matin, on vient le réveiller et on le conduit à l’aéroport où un avion l’attend. Il est mort au bout de 9 mois …
Les migrations entre le Mexique et les Etats-Unis
Les différentes présentations insistent sur l’hétérogénéité des migrantEs. Les personnes traversant la frontière américaine au niveau du Mexique sont d’origines géographiques, culturelles et sociales diverses, elles sont de tout âge, et des deux sexes. 30% des migrantes sont violées durant leur migration de l’Amérique latine aux Etats-Unis. Le taux de prévalence du VIH est de 2% à la frontière entre le Guatemala et le Mexique. Il est globalement de 0.3% au Mexique alors qu’il est de 0,6% aux Etats-Unis.
Une fois aux Etats-Unis, les migrantEs sont particulièrement exposéEs au VIH. Une étude s’est intéressée aux comportements sexuels des migrants vivant aux Etats Unis prés de la frontière mexicaine. Il en ressort que les migrants mexicains ont plus de relations sexuelles avec des prostituées, sous l’emprise de drogues, de relations homosexuelles, donc selon l’intervenante, plus de conduites à risque que lorsqu’ils vivaient aux Mexique. Par contre il ressort de l’étude que les migrantEs mexicainEs déclarent un plus grand usage du préservatif aux Etats-Unis que lorsqu’ils-elles vivaient au Mexique.
Une étude s’est intéressée à l’impact des expulsions sur les migrantEs. Elle a été menée à Tijuana, ville-frontière entre le Mexique et les Etats-Unis. Les participantEs à l’étude étaient toutes des usagErEs de drogue. Les résultats de l‘étude ont mis en évidence que les MexicainEs expulséEs vivant à Tijuana étaient significativement plus touchéEs par le VIH que les MexicainEs qui n’avaient pas été expulséEs. Mais l’étude s’arrête malheureusement à ce constat. Où ces personnes se contaminent-elles ? Pourquoi observe-t-on ce résultat ? On ne le sait pas.
Enfin, une présentation détonante propose une théorie originale : le capitalisme comme producteur de risque de contamination au virus du sida. Cette théorie prend l’exemple de l’emploi des « undocumented migrants ».
De nombreuses lois restreignent les possibilités d’immigration familiale : les travailleursEs étrangErEs sont le plus souvent séparéEs de leur famille. Par ailleurs, les employeurs souhaitant une main d’œuvre à moindre coût et les consommateurRICEs un produit à bas prix, les travailleursEs immigréEs sont le plus souvent peu rémunéréEs. Cette précarité les éloigne forcément de la prévention et les relations extra-conjugales qu’ils entretiennent afin de combler leur solitude (que ce soit avec des prostituéEs, ou dans des relations non tarifées avec d’autres femmes ou d’autres hommes) entraînent inévitablement une multiplication des prises de risques.
Les travailleurSEs migrantEs sont donc exposéEs à un risque accru de contamination au VIH. Ce risque n’est supporté ni par les consommateurRICEs, ni par les patronNEs : seulEs les travailleurSEs sans-papiers en paient les conséquences.