Dès le premier jour, la seizième conférence internationale sur le sida s’est placée sous le signe d’une meilleure visibilité des LGBT. Nous avions décidé, nous aussi d’en faire une priorité.
Le Mexique est le deuxième pays de la Région Amérique du Sud-Amérique Centrale en termes de crimes homophobes, après le Brésil. Concernant les droits des personnes trans’, la situation n’est guère mieux ; aucun protocole hospitalier de transition n’est en place, et la prescription d’hormones pas simple d’accès.
Pour marquer cette situation et ces discriminations très fortes envers les LGBT, une marche contre l’homophobie s’est déroulée, le 2 août, entre la place Angel de Inpendancia, pour rejoindre la place de la Constitution. Les manifestantEs ont défilé sous les slogans comme « La homofobia mata », « La transfobia mata » etc. Sur la place de la Constitution, une scène géante avait été dressée après la marche ; le directeur de l’IAS (International Aids Society), ainsi que les représentantEs des ONGs mexicaines se sont expriméEs.
Deux militantes d’Act Up-Paris ont pris la parole, pour rappeler l’importance de se battre contre l’homophobie, pour souligner les conséquences des discriminations en termes de prises de risque dans sa sexualité. Mais les militantes ont également rappelé, devant près de 5 000 personnes, que la France était absente de cette conférence mondiale sur le VIH/sida.
En rappelant le prix des médicaments au Mexique, l’absence de leaderEs politiques des pays les plus riches à la conférence mondiale, une des militantes d’Act Up-Paris, a appelé, les 5 000 personnes présentes, à un die-in géant : « Un die-in pour symboliser les mortEs du sida et de l’homophobie, mortEs des suites de discriminations, de l’absence de traitements sida à prix abordable, des mortEs de l’inaction des pays du G8. Nous allons maintenant adresser un message aux leaders du G8, nous allons leur dire, que pour cette conférence mondiale, le monde attend des actions concrètes pour que cesse cette hécatombe». Le slogan « The world is watching you !» (le monde vous regarde) à été propose, et repris massivement par la foule, à une dizaine de reprises.
Durant la conférence plusieurs ateliers avaient pour objet la stigmatisation des gays dans le contexte africain. L’un d’eux joliement intitulé : « De l’ombre à la lumière : les priorités queer pour les Queers africainEs et noirEs vivant dans la diaspora », a permis d’aborder la lutte contre les discriminations et pour la visibilité des gays africainNEs et afro-caribéenNEs.
Le contexte très souvent homophobe de nombre de pays africains, l’obligation de présenter son/sa partenaire sexuelLE afin d’avoir accès aux soins, les suspicions du corps médical des lors qu’un homme présente des maladies anales, la peur d’être perçuE comme gay ou lesbienne et de subir des discriminations ont pour effet d’empêcher des femmes, et surtout des hommes de consulter ou d’effectuer des dépistages de maladies sexuellement transmissibles. La stigmatisation retarde ainsi l’accès au dépistage et l’accès aux soins pour les LGBT africainEs. Le fort taux de prévalence VIH chez les gays en Afrique en est une conséquence directe.
Les discriminations telles qu’elles sont perçues montrent que les gays peuvent aussi avoir des relations sexuelles avec des femmes dans le cadre d’un couple stable. Des lors, la transmission VIH, favorisée par l’homophobie de tout un environnement, ne concerne pas seulement des relations homosexuelles mais aussi hétérosexuelles. Le rejet, les violences physiques, l’hétéro-sexisme, les croyances religieuses, les exactions policières, les rapports de genre font partie intégrante de la vie quotidienne de nombreux LGBT en Afrique.
Cette conférence mondiale a aussi permis d’échanger nos expériences en termes de discrimination et de lutte contre l’homophobie. Le travail d’identification mené lors des différents ateliers a été enrichi par les récits d’expériences personnelles des participantEs, violences verbales, descentes policières dans les bars avec arrestations sur de faux motifs, tentatives d’homicides. Après avoir identifié les problèmes, les participantEs ont ensuite proposé des solutions.
On ne sera pas surpris d’apprendre que l’empowerment, l’engagement associatif, la constitution de réseaux de soutien, le travail des associations au niveau local mais aussi sur les législations discriminantes et sur les gouvernements ont été les solutions les plus pertinentes envisagées. Des remarques ont été émises pendant les temps de discussion, notamment sur le fait de n’aborder que le thème des gays alors que les lesbiennes font aussi l’objet de discriminations. Un gay camerounais a insisté sur l’importance de la prise de parole par les gays eux-mêmes afin que l’on ne parle pas à leur place. Signe du risque qu’il court : il a tenu à rester anonyme.
Liens entre stigmatisation et VIH, empowerment, visibilité des minorités, lutte contre les discriminations, lobby sur les gouvernements pour l’égalité des droits des LGBT : rien de très nouveau, pourrait-on dire. Mais le fait que ces revendications soient tenues par des LGBT d’Afrique ou des Caraïbes, dans le cadre d’une conférence à caractère scientifique, est d’une importance extrême. Dans le même temps, en France, Rama Yade, secrétaire d’Etats aux droits humains, ne disait rien.