La campagne de l’INPES de juin 2008, « Avant d’arrêter le préservatif, faites le test » met en scène des couples qui s’installent dans une relation suivie. Ces couples utilisent systématiquement le préservatif jusqu’au test, fait en commun, moment manifestement libérateur où ils pourront cesser de se protéger. Autrement dit, où ils découvriront qu’ils ou elles ont le même statut sérologique.
D’une. Et si ces deux personnes n’ont pas le même statut sérologique ? La séroconcordance semble si libératrice, que la sérodifférence doit être vécue comme un poids. Une campagne de prévention ne peut donc pas poser comme postulat une relation entre personnes sérodifférentes comme moins jouissive qu’une relation entre personnes séroconcordantes.
De deux. On sait à quel point dire sa séropositivité est difficile. On connaît l’importance de la sérophobie, et encore plus à l’égard des femmes. Dans un couple, et notamment un couple hétérosexuel, les relations de pouvoir ont aussi un poids sur la dicibilité de la séropositivité. Le refus du test peut devenir une solution et, malgré cela, l’arrêt du préservatif est une probabilité, partant qu’une femme en couple sera séronégative « par défaut ».
De trois. Dans ce cadre et de manière très pragmatique, un couple qui se prétend fidèle peut donc faire un test en commun au bout de trois mois, en tenant compte de la fenêtre de séroconversion, et cesser d’utiliser le préservatif. Mais si un jour il y a une prise de risque en dehors du couple, il sera quasiment impossible de réintroduire le préservatif à l’intérieur du couple.
Plus largement, ce qui est valorisé dans la plupart des campagnes de prévention, c’est une conduite qui serait morale, la fidélité. La lutte contre le sida n’est pas morale. Juger le multipartenariat, ou l’infidélité, c’est prendre le risque d’exclure une grande partie du public visé. Le sida nous concerne touTEs, et tant mieux si la prévention tente des échappées hors des « groupes à risque ». En attendant, cibler une population « générale », c’est appauvrir l’univers possible des relations en le réduisant à un modèle fantasmé de couple « normal » : monogame et fidèle. En creux se dessine un nouveau « groupe à risque » : le groupe des infidèles.
Ce qu’affirme cette campagne de l’INPES, ce qu’affirment aussi les procès contre des personnes séropositives, c’est que l’arrêt du préservatif est une récompense pour un comportement dit exemplaire. Il faut le mériter. Les personnes séropositives sont donc coupables de ne pas pouvoir arrêter de mettre le préservatif, ou coupables de dire qu’elles doivent continuer à le mettre. Dans la lutte contre le sida, il n’y a ni victimes ni coupables. Faut-il encore le répéter ? Le sida ne se transmet pas par l’immoralité, mais par le sang et le sperme.
Il est urgent de créer des campagnes de prévention qui valorisent l’utilisation de la capote, qui parlent d’infidélité, de plaisir et de pratiques sexuelles concrètes, entre personnes de tous sexes. Prévenir sans moraliser, c’est exclure la punition des séropositifVEs comme solution pour éradiquer l’épidémie de sida. C’est ce que nous exigeons.