Le VIH nécessite un suivi régulier et attentif qui doit permettre une prise en charge précoce de tout problème médical qui pourrait venir compliquer notre santé. Les soins dentaires devraient faire partie de cette surveillance préventive et c’est rarement le cas, et ce pour plusieurs raisons. Une situation sociale précaire est souvent un frein à une telle prise en charge. La discrimination de professionnels est le deuxième obstacle majeur rapporté par les personnes vivant avec le VIH. A ces éléments se rajoute la peur du dentiste, de la douleur ou des coûts des soins. Pourtant dans ce domaine, la prévention est essentielle. Car la santé dentaire peut avoir des répercussions sur le corps tout entier et inversement… Certains antirétroviraux ont des effets secondaires qui modifient la flore buccale, aux précautions à prendre chez certains malades, les soins dentaires ne peuvent faire l’impasse sur la santé générale. En ce sens, un dentiste doit s’intéresser aux médicaments que prend son patient, et cela à double titre. Ils renseignent sur les affections pour lesquelles il est traité d’une part, et certains ont des répercussions sur la santé bucco-dentaire d’autre part. Ces informations obtenues sont hélas parfois utilisées pour éloigner le malade. Ces pratiques ne doivent pas être ignorées.
I- Les actes
Les problèmes bucco-dentaires peuvent être directement liés au VIH, aux traitements, au tabac, à une consommation de drogues, à un manque d’hygiène. C’est à la surface des dents et dans les sillons que les bactéries se nourrissent des sucres d’origine alimentaire et les convertissent en acide lactique qui érode l’émail. Ce qu’on appelle la plaque dentaire est composée de constituants salivaires, de débris alimentaires et de bactéries. Si cette plaque dentaire n’est pas éliminée, les particules alimentaires s’accumulent, durcissent et forment un dépôt qui remonte de la gencive sur les dents : c’est le tartre. La salive, naturellement riche en calcium et en phosphates, permet de réparer l’émail fragilisé, mais jusqu’à un certain point, car si les bactéries ne sont pas éliminées régulièrement, l’acidité peut à la longue infiltrer l’émail et créer une cavité : c’est la carie. Sans soins, la progression peut alors atteindre la dentine, puis la pulpe : ce sont des caries de 2e et 3e degré, au-delà, la dent est considérée comme infectée. Les foyers infectieux non soignés peuvent s’attaquer à la gencive (gingivite), puis à l’os (parodontite).
La bouche est le foyer idéal pour le développement d’infections, c’est un milieu humide, chaud, où pénètre un grand nombre de corps étrangers. En cas de déficit immunitaire, les infections buccales peuvent alors se développer de façon brutale et rapide.
80 % des caries naissent au niveau des sillons. Pour prévenir la formation de caries, il suffit de réaliser un scellement de sillons. Cet acte consiste à recouvrir lesdits sillons d’une résine protectrice qui empêche le développement des bactéries à cet endroit que la brosse à dents atteint difficilement. Cette technique est indolore et ne nécessite ni anesthésie ni intervention longue. Après nettoyage de la dent, le ciment de scellement (une résine de la couleur de la dent) est simplement déposé à la surface du sillon. Un peu comme une couche de vernis protecteur.
Lorsque la carie n’est pas très avancée, l’objectif du soin est de préserver la pulpe et de garder la dent vivante. Après avoir soigneusement éliminé la carie, le dentiste posera un amalgame ou un ciment composite de couleur identique à la dent. Il reconstituera la forme de la dent et il n’y aura alors plus trace de la carie incriminée. Ces soins sont souvent réalisés avec une anesthésie locale.
Lorsque la carie est trop profonde, on ne peut pas conserver la dent vivante. Une fois la pulpe dentaire atteinte, il faut pour empêcher la douleur en procédant à la dévitalisation de la dent malade. La dévitalisation s’effectue sous anesthésie locale.
Une fois la dent dévitalisée, il est recommandé de poser une couronne, car une fois «morte», la dent est fragile et peut casser. La couronne vise à protéger la dent des agressions et assurer une meilleure solidité.
Il est recommandé de faire un détartrage régulièrement afin d’éviter un déchaussement prématuré des dents. Avec la pression d’un mini jet de liquide, le dentiste décolle tous les dépôts de tartre et autres particules sur les dents.
II- Prise en charge Sécurité sociale
La plupart des soins dentaires sont pris en charge par l’Assurance Maladie. On distingue les soins dentaires dits « conservateurs » (détartrage, traitement d’une carie, dévitalisation, etc.) et les soins chirurgicaux (extraction). Tous les remboursements des soins dentaires par la Sécurité sociale correspondent à 70 % du tarif conventionnel. Mais ce tarif conventionnel est souvent très inférieur aux prix réels pratiqués par les professionnels.
Cependant certains actes comme les soins esthétiques (blanchiment des dents, pose de facettes, etc.) ne sont pas du tout remboursés. Ils peuvent éventuellement être pris en charge par une complémentaire santé si le contrat souscrit le prévoit. Avant d’aller chez le dentiste, il n’est pas besoin de consulter d’abord son médecin traitant. A l’exception de certains actes chirurgicaux lourds, il est possible de consulter directement un chirurgien-dentiste ou un médecin stomatologiste sans passer par son médecin traitant. De plus la participation forfaitaire de 1 € ne s’applique pas pour les soins dentaires.
La consultation chez un dentiste conventionné est prise en charge à 70 %, le tarif conventionné est fixé à 21 €, son remboursement est de 14,70 €. Ce taux de 70 % de remboursement est également appliqué aux soins des caries, traitements de racines et extractions. Le scellement des sillons dentaires est désormais remboursé à 70 % sur la base de 18,90 € par dent, pour les premières et deuxièmes molaires, chez les enfants de moins de 14 ans. Le détartrage est également remboursé sur la base de 70 % du tarif conventionnel, qui est de 56,71 € pour deux séances. En revanche le curetage n’est pas pris en charge.
Pour la reconstitution d’une dent au composite, le tarif conventionnel est de 31,02 €, alors que les tarifs réels peuvent atteindre 121,96 €. Pour les couronnes, la sécurité sociale rembourse 70 % du tarif conventionnel, qui est de 107,48 € quel que soit le type de la couronne, ce qui équivaut à un remboursement de 75,23 €. Le prix réel va de 335,39 € (prix minimum pour une couronne nickel-chrome) et grimpe à 914,69 € pour une couronne en céramique.
Pour les bridges, la prise en charge se limite aux deux dents porteuses, comme s’il s’agissait de couronnes (soit 75,23 x 2 = 150,46 €). La dent manquante n’est pas prise en compte. Les implants ne sont pas remboursés. Quant aux prothèses amovibles, elles sont prises en charge proportionnellement au nombre de dents qu’elles représentent. Un appareil complet est remboursé sur la base de 174,86 € par mâchoire, alors que les prix varient de 1 200 à 2 500 €.
Les traitements d’orthodontie nécessitent une demande d’entente préalable qui doit avoir été faite auprès de caisse avant l’âge de 16 ans. Les soins sont alors remboursés sur la base d’un tarif conventionnel de 193,46 € par semestre, alors que les tarifs en usage varient dans un fourchette très large, de 533,57 € à 1 524,49 € par semestre. Si le cap de 16 ans a été dépassé, il n’y a aucune prise en charge.
Les soins dentaires des personnes bénéficiant de la couverture médicale universelle (CMU) sont pris en charge, mais avec un plafond qui ne peut excéder 396,37 € par période de deux ans (les prothèse amovibles de dix dents ou plus ne sont pas prises en compte dans ce plafond). Les personnes qui bénéficient de la Sécurité sociale ou de la CMU peuvent déposer une demande d’aide exceptionnelle auprès des assistants sociaux de la caisse locale.
Pour éviter des soins coûteux, et plus lourds, il est essentiel de mettre l’accent sur la prévention. La Sécurité sociale a mis en place d’une consultation de prévention gratuite chez le dentiste pour les 15-18 ans, et la prise en charge à 100 % des soins qui lui font suite. Depuis 2006, un examen bucco-dentaire obligatoire et gratuit es proposée aux les enfants de 6 et 12 ans. Les soins découlant de cette prise en charge sont aussi pris en charge à 100 % par la Sécurité sociale. Les femmes enceintes peuvent aussi bénéficier de consultations dentaires au 4e mois de grossesse et 6 mois après la naissance de l’enfant. Enfin les personnes de 60 ans peuvent effectuer un bilan bucco-dentaire, pris en charge à 100 %, suivi d’un entretien et de conseils afin de préparer les conditions d’un vieillissement en bonne santé.
Si les tarifs des soins conservateurs (carie, détartrage…) sont fixes et remboursés à 70 % par la Sécurité sociale, en revanche, les prix des prothèses sont libres et les dentistes les justifient par un matériel de plus en plus sophistiqué et de lourdes charges. Il reste qu’un bon dentiste doit faire un bilan global de la bouche, prendre le temps d’expliquer les avantages et inconvénients du traitement, offrir une alternative, faire un devis, proposer des facilités de paiement. Sauf pour l’orthodontie, les demandes d’entente préalable sont supprimées, les soins peuvent commencer dès que nécessaires. Par ailleurs, si une prothèse n’est plus adaptée convenablement à la bouche de la personne, la Sécurité sociale accepte son remplacement quelle que soit son ancienneté.
Dépassements d’honoraires
Les consultations chez un chirurgien-dentiste ou un médecin stomatologiste peuvent faire l’objet d’un dépassement d’honoraires dans les situations précises : en cas d’une exigence particulière du patient (consultation en dehors des horaires habituels du cabinet par exemple) ; chirurgien-dentiste disposant d’un droit permanent à dépassement. Dans chacune de ces situations, le chirurgien-dentiste est tenu de fixer ses honoraires « avec tact et mesure » et d’en informer son patient au préalable. Le remboursement se fera alors sur la base du tarif conventionnel et non sur la base des honoraires payés. Les dépassements d’honoraires, en effet, ne sont jamais pris en charge par l’Assurance Maladie. Ils peuvent éventuellement être pris en charge par votre complémentaire santé.
III- Aides complémentaires
A- Ecoles dentaires
Les Facultés de chirurgie dentaire permettent aux étudiants d’apprendre leur métier et aux personnes qui viennent s’y faire soigner de bénéficier de tarifs moins élevés que ceux pratiqués en cabinets de villes, notamment les actes hors nomenclature, comme la chirurgie, les prothèses ou même le blanchiment des dents. De plus, les soins sont effectués après contrôle des professeurs ce qui en garanti la qualité. La difficulté majeure concerne les délais d’attente, car obtenir un rendez-vous peut prendre plusieurs mois. Il existe en France 16 facultés de chirurgie dentaire (Brest, rennes, Nantes, Paris, Reims, Nancy, Strasbourg, Clermont Ferrand, Lyon, Bordeaux, Toulouse, Montpellier, Marseille, Nice). Les coordonnées sont présentes sur le site du Conseil de l’ordre des chirurgiens dentistes.
B- Bus dentaire
Depuis 1995, le Conseil national de l’Ordre des chirurgiens-dentistes a mis en place un bus social dentaire destiné à prendre en charge les soins dentaires pour les plus démunis. Une équipe de chirurgiens-dentistes bénévoles dispensent des soins d’urgence aux personnes en situation de précarité et ne disposant pas de couverture maladie. Une coordinatrice sociale est présente afin d’écouter, de conseiller et d’orienter les usagers vers des services sociaux aptes à les rétablir dans leurs droits. Pour cela, une aide est apportée pour faire les démarches en vue d’obtenir des droits médicaux (CMU, Aide médicale de l’Etat, etc.).
Pour bénéficier de soins par le bus social dentaire, il suffit de s’inscrire le matin avant le début des permanences. Il n’est pas nécessaire d’avoir des papiers d’identité ou un dossier médical. Mais, attention, les inscriptions ne peuvent se faire que sur le lieu de la vacation et le jour même (avant le début de la vacation). Pour contacter le Bus il suffit de téléphoner au 06-80-00-94-21 et pour connaître les lieux et dates de vacations, il faut aller sur leur site http://busdentaire.free.fr/
C- Autres structures
– Il existe sur Paris la Permanence d’Accès aux Soins de Santé bucco-dentaire de l’AP-HP, qui prend sur rendez-vous toute personne de plus de 15 ans. Hôpital la Pitié-Salpêtrière, bâtiment de stomatologie, 47-83 bd de l’hôpital, Paris XIII, tél. 01 42 16 14 59.
– Médecins du Monde reçoit sur rendez-vous toutes personnes sans ressources ni couverture sociale dans le Centre d’accueil, de soins et d’orientation (CASO), 62 bis avenue Parmentier, Paris XI. tél. 01 43 14 81 81
IV- En cas de discrimination
25 ans après le début de l’épidémie, les dentistes sont toujours l’une des professions de santé les moins bien formées et les moins soucieuses de se former à propos du VIH. C’est aussi la profession médicale la plus décriée quand il s’agit de discrimination fondée sur le statut sérologique des personnes. S’ils appliquaient dans tous les cas et pour tous leurs patients les précautions universelles en matière d’asepsie et d’hygiène, non seulement ils se protégeraient eux-mêmes mais ils veilleraient aussi à la protection de l’ensemble de leurs patients, séropositifs ou non au VIH. Le Conseil de l’ordre des chirurgiens dentistes a rappelé à plusieurs reprises les devoirs de la profession en en matière de prise en charge thérapeutique : « L’intolérable refus de soins à des patients VIH. L’état de santé d’un patient, pas plus que sa couverture sociale, ne doivent constituer un motif de refus de soins. Un tel comportement porte un préjudice intolérable à la santé et à l’image de soi des personnes qui en sont victimes. Si le refus de soins est possible, il ne peut être accepté que dans le cadre des exceptions prévues par le droit. (…) Il ne peut être justifié que si le praticien se trouve en présence d’un contexte clinique qui dépasse celui de sa compétence. Mais ce praticien se devra, alors, de veiller à ce que le patient puisse être soigné chez un confrère ou dans un service hospitalier adapté. »
En cas de discrimination, il est essentiel d’en avertir le Conseil de l’Ordre qui pourra prendre les mesures de sanction nécessaires pour éviter que le praticien ne recommence.
Il est également recommandé de saisir la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE), 11 rue Saint Georges, Paris IXe ou par tél : 08 1000 5000.
Les associations de lutte contre le sida sont aussi là pour aider, informer, conseiller. N’hésitez pas à nous contacter.