6 000 mortEs par jour dans le monde, 6 000 mortEs évitables, ce n’est pas un sujet suffisamment médiatisable. Pour aborder la question des financements de la santé en France et dans le monde, il faut une controverse posée par un riche mécène de gauche. Voilà la première leçon qu’on peut retenir du traitement médiatique des positions prises par Pierre Bergé en novembre 2009.
Cette polémique n’aurait pas lieu d’être si l’Etat jouait son rôle en matière de santé et de recherche. Ce n’est pas le cas, ce qui a rendu l’argent issu de la charité télévisuelle indispensable.
Cela ne doit pas empêcher une analyse critique de ces événements:
– oui, on doit questionner le recours à l’utilisation d’images d’enfants ou d’adultes malades à la télé, si le seul but est d’éveiller la pitié, et non pas de poser les problèmes politiques et sociaux que leur situation soulève ;
– oui, chacunE d’entre nous doit s’interroger sur le fait qu’unE enfant en fauteuil roulant « rapporte plus » qu’unE usagerE de drogues contaminéE par le VIH et une ou plusieurs hépatites parce qu’il n’y avait pas de programme d’échanges de seringues dans sa ville ; plus qu’unE prostituéE qui évoque son combat quotidien pour la prévention, plus qu’unE salariéE séropositifVE licenciéE abusivement en raison de sa maladie ; plus qu’unE trans dont on se fout éperdument si elle/il ne passe pas dans une série télé ( ???) ou plus qu’unE prisonnierE atteintE de pathologie grave qui ne peut obtenir en détention les soins indispensables. Il ne s’agit pas là d’opposer des situations, mais bien d’interroger notre capacité collective à la solidarité, ainsi que les représentations que nous véhiculons quand nous faisons appel à la générosité publique ;
– et, oui, on doit, constamment, se poser des questions sur la finalité de l’argent issu des dons, notamment quand on a l’impression qu’il cautionne le désengagement de l’Etat sur des sujets aussi basiques que donner un toit ou de la nourriture à des personnes malades.
Nous appelons chaque citoyenNE à une réflexion éclairée sur ces sujets, et sur les façons dont nous pourrions touTEs exiger des pouvoirs publics qu’ils assument leur rôle. Nous espérons que les journalistes, mais aussi les personnalités publiques qui se sont sentiEs obligéEs d’intervenir, consacreront autant de temps à la mise en avant des responsabilités politiques dans l’hécatombe que le sida provoque dans les pays du Sud, les conséquences du démantèlement du système de soins pour les personnes gravement malades en France, la situation sanitaire en prison ou les enjeux de la prévention des contaminations par le VIH auprès des travailleurSEs du sexe dans les années Sarkozy.