Matignon vient de faire savoir son opposition à une expérimentation de salles de consommation de drogues à moindre risque (SCMR) sous prétexte qu’elles ne seraient pas « utiles ». Cette décision va à l’encontre non seulement de l’expérience de terrain et des positions des addictologues, mais aussi des savoirs scientifiques et des demandes des éluEs locaux de grandes villes, de droite comme de gauche.
Une utilité prouvée scientifiquement
L’efficacité des SCMR n’est plus à prouver, le rapport de l’Inserm est à cet égard clair : réduction des overdoses mortelles ; diminution des pratiques à risques de contamination du VIH et du VHC ; accès aux soins généraux facilités pour les usagèrEs de drogue les plus démuniEs, celles et ceux que le système actuel laisse sur le carreau. Quiconque fait valoir les impératifs de santé ne peut qu’approuver ces dispositifs.
Mais les SCMR permettent aussi d’atteindre des objectifs que se fixent le gouvernement : il est prouvé qu’elles accroissent le nombre de personnes s’inscrivant à des programmes de sevrage, qu’elles diminuent la consommation dans l’espace public et améliore les relations avec le voisinage, ou encore qu’elles peuvent permettre au système de santé des économies. Autant de raisons, même pour un gouvernement de droite, d’expérimenter ces dispositifs, pour peu qu’on prête attention aux preuves scientifiques.
Les leçons du passé
Laurent Fabius lui aussi avait refusé de suivre les connaissances scientifiques disponibles à l’époque pour assurer le plus vite possible la sécurité transfusionnelle, et avait fait valoir d’autres priorités que les enjeux sanitaires. Des milliers de personnes en ont subi les conséquences.
Michelle Barzach en 1987, Simone Veil en 1994, avaient, elles, eu le courage politique d’aller contre l’obscurantisme et avaient su imposer la vente libre de seringues, puis les programmes d’échange de seringue. Elles avaient alors pris des décisions impopulaires, et contraires aux dogmes sécuritaires, mais qui étaient fondés sur des preuves scientifiques.
Pourquoi Fillon refuse-t-il de suivre les recommandations des expertEs qui permettraient de diminuer les pratiques à risque chez les usagèrEs de drogue les plus précariséEs ? Il n’y a que deux explications :
– Soit Fillon connaît ces preuves et refuse d’en tenir compte. Comme Laurent Fabius, il condamne donc à des risques mortels des milliers de personnes. Il devra en assumer le poids pour le reste de sa carrière ;
– Soit Fillon ignore les preuves scientifiques : il est encore temps qu’il en prenne connaissance et qu’il change d’avis.
Act Up-Paris exige que les associations de terrain soient reçues dans les plus brefs délais par François Fillon afin qu’elles lui présentent les preuves scientifiques, qui, si l’actuel Premier ministre tire les leçons des erreurs de Fabius, devraient le convaincre de changer d’avis.