Tandis que Sanofi-Aventis mène une guerre de plus en plus efficace contre la production et la circulation dans les pays pauvres de médicaments génériques – moins chers mais de même efficacité que les médicaments de marque – Robert Sebbag, vice-président du groupe, utilise son mandat d’administrateur de la Croix-Rouge pour faire valoir à l’Élysée, et sans doute ailleurs, les intérêts de l’industrie pharmaceutique. Ce conflit d’intérêt doit maintenant être résolu.
Double casquette
Le 15 septembre dernier, Nicolas Sarkozy recevait les ONG (dont Coordination Sud, Oxfam, Les amis du Fonds Mondial, Coalition PLUS, Médecins du Monde, Act Up-Paris) à quelques jours du sommet du millénaire pour le développement qui se tenait les 21 et 22 septembre à New York. Invité en plus des ONG, un groupe dit « d’intérêt publique » : la Croix-Rouge française.
Or, la personne qui représentait la Croix-Rouge française n’était autre que Robert Sebbag, un de ses administrateurs, également vice-président de Sanofi-Aventis, administrateur du LEEM (syndicat français de l’industrie pharmaceutique) et membre du comité de parrainage des accords de Cotonou passés par la Fondation Chirac contre les faux médicaments.
Sanofi : les profits avant les vies
Problème : Sanofi mène depuis longtemps une guerre contre la production et la circulation dans les pays pauvres de médicaments génériques, qui permettent pourtant de soigner plus de personnes. Le groupe a ainsi fortement lobbyé l’Elysée et la Commission européenne en 2008 pour que l’Europe fasse pression sur la Thaïlande lorsque celle-ci a décidé, comme le droit international le lui autorise, de contourner les brevets sur plusieurs médicaments en émettant des licences obligatoires, notamment sur le Plavix de Sanofi-Aventis. Aujourd’hui, sous prétexte de lutter contre les faux médicaments, l’industrie pharmaceutique lutte contre les médicaments génériques.
Des groupes comme Sanofi entretiennent sciemment la confusion entre génériques et faux médicaments. Ce lobby est payant. Il y a une semaine, la France, aux côtés de la commission européenne et d’autres pays en développement, annonçait avoir trouvé un accord dans la négociation d’ACTA, accords sur la contrefaçon qui prévoit que tout médicament en transit pour un pays en développement qui enfreindrait le droit des brevets (y compris les génériques), pourrait être saisi aux portes de l’Europe. La lutte contre les faux médicaments n’en sortira pas grandie, mais l’accès aux génériques sera restreint – c’est tout ce qui compte pour Sanofi-Aventis.
La Croix-Rouge doit régler ce conflit d’intérêt
La présence du vice-président de Sanofi-Aventis à une réunion sur le développement et l’accès aux traitements pour les malades des pays pauvres est en soi problématique. Il faut y voir la manifestation du travail de lobby opéré par l’industrie pharmaceutique pour garantir ses profits, qui vont à l’encontre de l’accès aux traitements. Mais lorsque le lobbyste du secteur privé avance sous une étiquette d’humanitaire, il y a là une collusion des plus dangereuses, sur laquelle la Croix-Rouge doit s’exprimer.
Questions parmi d’autres : Robert Sebbag a-t-il utilisé son mandat à la Croix-Rouge pour associer cette dernière à son lobby incessant contre les génériques, pour les accords ACTA ou encore pour les accords de libre-échange entre l’Inde et l’Europe ?
Alors que se tient ce vendredi un colloque sur la lutte contre les faux médicaments, qu’a co-organisé Robert Sebbag, alors que tout laisse à craindre que ce colloque sera un nouveau prétexte à semer le doute sur les génériques, le dirigeant de Sanofi-Aventis doit s’exprimer clairement sur le conflit d’intérêt qui se pose à lui.