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Le message est clair. Ce lundi matin, après la session d’ouverture de dimanche soir, la conférence entre dans le vif du sujet par une plénière qui plante le décor : « la science et la pratique de la prévention du VIH aux Etats-Unis ». Mais face aux pays occidentaux, l’Afrique flambe toujours. Après les grands résultats des essais de prévention biomédicale de 2010, il faut affiner les modèles surmonter les obstacles de faisabilité des techniques. De quoi bien remplir la matinée, ici à Boston. Plus tard dans la soirée, les congressistes se sont retrouvés pour un moment de réflexion autour de « La réponse au risque ».

« Safe in the city »

Jonathan Mermin appartient au CDC, un peu l’équivalent de notre InVS aux Etats-Unis. Il nous a livré une analyse de l’épidémie de sida dans son pays ainsi que la réaction publique américaine face à ces constats, le plan stratégique national VIH/sida.

Les Etats-Unis comptent environ 1,1 millions de séropositifs au VIH, une valeur en constante augmentation puisque, grâce aux traitements antirétroviraux, ici comme dans tous les pays occidentaux, le nombre de nouvelles contamination dépasse largement le nombre de morts. La répartition de l’épidémie est très inégale sur le territoire, 54% des séropositifs appartiennent à 5 états seulement, la Californie, l’état de New-York et le Massachussetts, la Floride et la Louisiane. La répartition par mode de contamination ressemble aux données d’autres pays occidentaux, 53% MSM (Men who have sex with men), 31% hétérosexuels, 12% par usage de drogue injectable. Mais les populations touchées appartiennent le plus souvent à des minorités de la société américaine. En effet, 95% des séropositifs se retrouvent parmi les gays, les afro-américains, les latinos et les usagers de drogue. D’autre part, le risque d’acquisition du VIH n’est pas homogène, les gays ont un risque multiplié par 40 par rapport à celui des hétérosexuels. Un moyen récent de caractériser l’épidémie dans ces sous-groupes de population est de considérer la notion de « charge virale communautaire », une notion qui sera explorée mercredi à la CROI grâce à une session entière qui lui est consacrée.

Face à ces données, le gouvernement américain a mis en place un plan de lutte dit « stratégie nationale VIH/sida ». Il vise à réduire l’incidence du VIH à travers la mise en œuvre de divers dispositifs comme la promotion du dépistage à large échelle, l’augmentation de l’accès aux soins – 69% seulement des séropositifs sont suivis (dans un pays qui compte 30 millions de personnes sans assurance maladie, note du rédacteur), la mise en place de programmes spécifiques de prévention en direction des séropositifs (PWP, Prevention with positives) et des séronégatifs.

Le programme PWP prévoit entre autres le développement du dépistage afin de faire entrer dans le système de soins les 21%, soit 230 000 séropositifs, qui ne connaissent pas leur statut, une attention particulière aux partenaires des couples sérodifférents puisqu’on estime à 68% le nombre de contaminations dans les couples, ainsi qu’un intérêt pour les personnes transgenres dont on sait qu’elles ont un risque particulièrement élevé.

Le programme de prévention envers les séronégatifs entend renforcer la promotion du préservatif, particulièrement chez les jeunes (70% des adolescents déclarent avoir utilisé un préservatif lors de leurs dernières relations sexuelles) et les couples. Parmi les outils, on note la création de programmes video comme la série « Safe in the city ».

Quelles autres pistes pourrait-on mettre en œuvre ? Jonathan Mermin en évoque plusieurs : les PrEP dont il faut évaluer quels bénéficiaires représenteraient une mesure économiquement viable, le développement de l’échange de seringue (très mal vu durant la période Bush, note du rédacteur). Le concept de prévention combinée, la promotion conjointe des différents outils existant, dépistage, préservatif, incitations comportementales, nécessiterait de disposer d’autres outils mais encore faudrait-il les évaluer selon leur effectivité alors qu’ils ne le sont le plus souvent que sur leur efficacité.

Les principales difficultés rencontrées à la mise en place de ces mesures sont dues au contexte économique actuel qui conduit l’état à des coupes budgétaires drastiques (la moitié des associations de service a dû fermer faute de subventions). La faisabilité d’interventions à large échelle pourtant nécessaire au succès de ces programmes pourrait être compromise.

Prévention toutes directions

Une session de communications orales a permis d’explorer diverses pistes d’interventions de tous ordres. Ainsi, la prochaine étape des PrEP pourrait être celle de l’utilisation d’une autre classe d’antirétroviraux : les inhibiteurs d’intégrase. Des recherches avec le raltegravir chez les macaques ont montré un réel intérêt notamment parce la biodisponibilité du produit une fois ingéré est très rapide et qu’elle se maintient plus longtemps que les analogues nucléosidiques utilisés jusque là.

Gerardo Garcia-Lerma, le grand spécialiste des études de PrEP chez les macaques a étudié quant à lui la problématique des résistances qui peuvent se développer lors de contamination malgré l’emploi de Truvada. Il en résulte que la réversion des mutations est rapide après l’arrêt du traitement et que le virus garde alors toute sa sensibilité aux antiviraux utilisés.

Deux études se sont intéressées à la question de l’augmentation du risque d’acquisition du VIH par la muqueuse vaginale post ménopause. En effet, il en résulte chez les femmes une plus grande finesse et porosité de ces membranes mais aussi une plus grande sensibilité des cellules immunitaires au virus notamment par l’augmentation de l’expression du récepteur CCR5 nécessaire à l’entrée du VIH dans ces lymphocytes. Comme par ailleurs, on constate une moindre utilisation du préservatif par les femmes plus âgées, il serait à recommander d’étudier plus spécifiquement et avec les précautions qui conviennent l’usage de PrEP pour ces femmes dans la mesure où il s’agit d’une technique jugée utile pour éviter la transmission dans les couples sérodifférents.

Peter Anton a présenté le résultat de la deuxième étude de phase un d’un gel microbicide à usage anal. Il s’agit en fait du même gel que celui proposé dans l’étude CAPRISA 004. Par comparaison avec une prise orale de tenofovir, la substance active se retrouve à des concentrations cent fois supérieures dans les muqueuses lorsque le gel est utilisé. Les expérimentations vont donc se poursuivre.

Le protocole MTN-001 se proposait d’étudier chez des femmes ougandaises, sud-africaines et américaines des Etats-Unis l’acceptabilité de la PrEP orale, comprimés de tenofovir, par rapport à l’utilisation d’une PrEP locale, un gel de tenofovir. Dans cette étude aussi, les chercheurs ont constaté avec le gel des concentrations de substance active dans les muqueuses cent fois supérieures à celles obtenues avec la formulation orale. Ils ont constaté que l’adhérence au traitement selon les déclarations des participantes était surestimée par rapport à la mesure des concentrations de produit dans le sang. Enfin, pour les femmes africaines, l’acceptabilité du gel est supérieure aux pilules parce qu’elles considèrent qu’il améliore leur plaisir sexuel, au contraire des femmes américaines qui préfèrent prendre des cachets. Allez comprendre pourquoi…

Les investigateurs de l’essai de circoncision en Ouganda, dans le district de Rakai ont livré les résultats de leur étude à long terme de cette intervention destinée à réduire le risque d’acquisition du VIH chez les hommes. Trois ans après l’intervention, ils constatent que l’efficacité de la mesure a augmenté, que 80% des hommes non circoncis dans l’essai se sont fait circoncire mais aussi que si l’on ne constate aucune augmentation du nombre de partenaires chez les anciens participants à la recherche, en revanche, l’utilisation du préservatif a quelque peu diminué. Il n’est pas évident qu’il s’agisse d’un phénomène de compensation du risque mais probablement d’un relâchement dû à l’arrêt des incitations régulières qui avaient lieu dans le suivi de l’essai.

Pour clore cette session, R. Walenski et ses collègues nous ont proposé une étude de coût-efficacité de différents scénarios de PrEP dans le contexte de l’Afrique du Sud. Ils montrent que quel que soit le scénario choisi, la solution est coût-efficace, allant de 1200$ à 4600$ par année de vie gagnée et reste largement efficace dans de larges variations des paramètres choisis. Pour autant, les solutions proposées n’atteignent pas nécessairement des seuils réalisables compte tenu de ce que le « retour sur investissement » suppose une dépense au départ relativement importante.

Pour clore la journée nous nous sommes intéressés à un symposium particulièrement intéressant, consacré à « la réponse au risque ». Parmi les thèmes abordés : les adolescents et le VIH, la réponse au risque chez les femmes enceintes, les HSH (hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes) dans les pays en développement, la réponse au risque chez les HSH aux Etats-Unis. Une manière de terminer cette ardente journée en essayant d’approfondir un peu plus ces questions. De passionnantes présentations à découvrir, mais en anglais, dans les webcast de la CROI 2011.