Act Up-Paris reçoit des dons de firmes pharmaceutiques , mais refuse les partenariats avec elles, et donc un fléchage des dons sur une activité particulière. Nous considérons ces dons comme une dette de sang des firmes envers les malades. À titre indicatif, Act Up-Paris a reçu en 2011 des dons de Boerhinher-Ingelheim, Gilead, Janssen-Cilag, MSD, Sanofi-Aventis & ViiV Healthcare. Les militantEs présentEs à l’ISHEID bénéficient de bourses de la conférence.
Du 23 au 25 mai 2012, s’est tenu à Marseille le symposium international sur le VIH et les maladies infectieuses émergentes (ISHEID). Trois militantEs d’Act Up-Paris étaient sur place. Médecins, labos, sponsors et associations se sont donnés rendez-vous au palais des congrès du parc Chanot. Selon Patricia Enel ça ressemble au Festival de Cannes, à la différence près qu’il manque une star internationale, Robert Gallo…
Encore une conférence qui ne respecte pas la réglementation de 2007, récemment renforcée, en matière de déclaration publique d’intérêts[[« Art. R. 4113-110. – L’information du public sur l’existence de liens directs ou indirects entre les professionnels de santé et des entreprises ou établissements mentionnés à l’article
L. 4113-13 est faite, à l’occasion de la présentation de ce professionnel, soit de façon écrite lorsqu’il s’agit d’un article destiné à la presse écrite ou diffusé sur internet, soit de façon écrite ou orale au début de son intervention, lorsqu’il s’agit d’une manifestation publique ou d’une communication réalisée pour la presse audiovisuelle. »]].
Le mercredi 23, Anna Mia Ekström du Karolinska Institute de Stockholm a fait la première communication, consistant en un état des lieux de la pandémie. Trente-quatre millions de personnes vivant avec le VIH/sida. Depuis 2005 l’incidence [[Nombre de nouveaux cas d’une maladie (ou de personnes malades) pendant une période donnée et pour une population donnée.]] et le nombre de décès décroissent grâce à l’augmentation de l’accès aux traitements. Elle a insisté sur le fait que la prévalence [[Nombre de personnes atteintes par une maladie donnée dans un population déterminée, depuis le début du comptage, sans distinction entre les anciens et les nouveaux cas, à un moment ou pendant une période donnée]] n’est pas un bon indicateur pour le monitoring de la prévention et qu’il faut le baser sur l’incidence. On constate une stabilité de l’incidence dans les pays occidentaux (avec une augmentation chez les homosexuels et les femmes), stabilités ou baisses en Afrique, Amérique du Sud et Asie, et enfin une augmentation en Europe de l’Est et Europe centrale, où l’accès aux traitements est très faible. À l’échelle mondiale, quand une nouvelle personne accède aux traitements, deux sont infectées. On regrette qu’elle n’ait pas fait de référence aux crises de gouvernance et de financement du Fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose. Interrogée sur les questions de prévention, elle a indiqué qu’il fallait faire des efforts de sensibilisation, notamment en Europe de l’Ouest…
Traiter le VIH depuis le début ?
C’est sur cette question que portait l’intervention présentée par Jean-Pierre Routy. C’est le revirement des deux dernières décennies, qui ont vu les recommandations de prise en charge thérapeutique passer d’une logique de traitements lourds lorsque les CD4 atteignaient un taux critique, à une logique de traitement précoce, dès le début de l’infection « as soon as the patient is ready », avec l’idée qu’un traitement démarré tardivement, ou avec un taux de CD4 trop bas ne permet pas au patient de régénérer son immunité.
Mais pour autant, si cette mise sous traitement réduit les risques de transmission, elle induit plusieurs interrogations sur leur toxicité à long terme qu’on ne connaît pas forcément, sur l’apparition d’éventuelles résistances, sur l’observance du traitement, ou sur le nadir. Ce dernier constitue la valeur minimale enregistrée dans l’évolution de la charge des CD4. Il semble que lorsque celui-ci est faible au moment d’une mise sous traitement, la durée pour reconstituer un stock de CD4 sera plus longue. Au contraire, traiter dès le stade de la primo-infection va influer sur la reconstitution de l’immunité et sur la taille du réservoir viral.
Hépatite C au programme
Thème au combien important et d’actualité pour la clinique. De nombreuses personnes ont besoin de nouveaux traitements, notamment les co-infectées VIH-VHC ; deux molécules ont été mises sur le marché il y a moins d’un an (télaprévir et bocéprévir) et 25 molécules sont en phase d’essai : 8 inhibiteurs de protéase, 13 inhibiteurs polymérase, 4 inhibiteurs de NS5A. Vicente Soriano a présenté ceci dans la diapositive ci-dessus. Patrice André de l’hôpital Croix-Rousse de Lyon a dit que l’hépatite C utilisait un mode d’action original sur le plan métabolique pour se développer. En effet, d’une part le virus induit une insulino résistance qui provoque une stéatose du foie, c’est à dire une accumulation de graisses dans le foie, et d’autre part ces troubles lipidiques participent de manière essentielle à la réplication du virus. En fait le virus modifierait la composition de lipoprotéines pour former des particules virales hybrides utiles à sa réplication. Patrice André indique qu’il faudrait comprendre les fonctions jouées par ces particules sur les caractéristiques de la maladie, sa progression, et donc ses remèdes. Pour lui, le VHC est un paradigme de « métabolovirus ».
Philippe Halfon (Hôpital Ambroise Paré, Marseille) a fait une intervention dense sur les résistances. Une étude in vitro a permis d’identifier les principales positions des mutations à l’origine des résistances : 6 sur NS3 protéase, 15 sur NS5B polymérase et 5 sur NS5A. Il a indiqué qu’il est important d’arrêter les inhibiteurs de protéase NS3 quand la réplication continue, ceci afin d’éviter de sélectionner des résistances pouvant avoir une longue durée de vie, notamment chez les personnes infectées par le VHC de génotype 1a. Enfin, il a montré un intérêt vers des pistes de traitements associant différentes classes d’agents antiviraux et sans interféron. Mais que cela dépendrait des profils des nouvelles molécules quant aux résistances. Il a plaidé pour l’utilisation courante des tests de résistance.
Nouvelles molécules anti-VHC.
Le télaprévir et le bocéprévir, sont-ils déjà à la traîne ?
De nouvelles molécules pour les personnes co-infectéEs c’est une nécessité, pour certaines, une urgence vitale. Ces deux dernières années, le bocéprevir et le télaprevir (désormais commercialisées comme respectivement Victrelis® (MSD) et Incivo® (Janssen)) étaient les deux nouvelles molécules que l’on réclamait, des traitements que l’on exigeait pour des personnes qui n’avaient plus d’autre choix thérapeutique. On peinait à obtenir des données les concernant auprès des laboratoires pharmaceutiques. Aujourd’hui on connaît de mieux en mieux les effets indésirables de ces molécules, et notamment ceux du télaprevir. Des effets indésirables très lourds qui laissent présager un avenir incertain pour ces molécules.
Mais le travail sur les inhibiteurs de protéase continue et doit s’accentuer explique Jean-Michel Pawlotsky. Une dizaine de nouvelles molécules sont à venir ; et s’annoncent particulièrement coûteuses, les nouvelles molécules hépatites sont un commerce juteux…
Pour Stanislas Pol (Hôpital Cochin, Paris) les essais de phase 2 et de phase 3 des nouvelles molécules montrent clairement une augmentation de 20 à 30 % de réponses virologiques soutenues parmi les personnes ayant le génotype 1 du VHC. Il a mis en garde sur le fait que chez les personnes guéries, il fallait continuer à être attentifs au développement de carcinomes hépatocellulaires quand il n’a pas été prouvé par biopsie que la cirrhose régresse. Il a conclu en disant que le futur des stratégies thérapeutiques résidait aussi dans une éducation des malades et des médecins.
Et les co-infectéEs ?
C’est dès maintenant qu’il nous faut avoir des données. Les laboratoires et la recherche publique doivent les intégrer dès maintenant pour ces nouvelles molécules et ne pas systématiser les erreurs et les oublis passés.
L’espoir d’un traitement sans interféron demeure, conclut J.M Pawlotsky, c’est l’avenir de la thérapie VHC, avec le nombre de molécules VHC au stade de développement clinique ; on a envie d’y croire.
David Back de l’université de Liverpool est intervenu sur les questions d’interactions entre les traitements anti-VIH et anti-VHC. La recherche des mécanismes impliqués dans ces interactions est cruciale et doit être un souci constant des médecins suivant des co-infectéEs. La première génération d’inhibiteur de protéase du VHC est « un challenge pour la connaissance et le management des interactions ».
Certaines contre-indications de co-administrations du télaprévir ou du bocéprévir avec d’autres traitements commencent à être identifiées, notamment avec ceux qui sont hautement dépendants de CYP3A4 pour la clairance et pour lesquels des concentrations plasmatiques élevées sont associées avec des effets indésirables sérieux voire létaux. Cependant, il est urgent d’avoir des données sur d’autres interactions, leurs conséquences sur les dosages à prescrire, les durées d’administration à envisager… En l’absence de données cliniques établies, des conseils ont été élaborés sur la base des connaissances de la pharmacologie des différents traitements. Voir le site www.hep-druginteractions.org (où vous retrouverez plein de logos de firmes).
Vicente Soriano a évoqué les questions de résistances et d’interactions. Il a indiqué que les inhibiteurs[[https://www.actupparis.org/spip.php?article4843]] (de type analogues nucléosidiques ou nucléotidiques) de polymérase offraient une plus grande barrière aux résistances que les autres classes ; et que pour les co-infectéEs VIH-VHC, du fait d’une virémie plus élevée, il est important d’utiliser dès le début une molécule puissante pour ne pas développer de résistance. Il faudrait donc privilégier le télaprévir au bocéprévir, plus lent. Cela est en contradiction avec une réponse apportée par Fabien Zoulim à une question d’Alain Lafeuillade relative à la prise en charge des co-infectéEs ayant une cirrhose lors du séminaire de l’ANRS le 3 mai dernier. Zoulim disait aussi que les personnes en stade 1 ou 2 de fibrose pouvaient attendre l’arrivée de nouvelles molécules hors essais. Soriano a souligné l’importance de faire un test d’interleukine 28B à tous les VHC+ et présenté des informations sur les effets d’interactions constatés. Par exemple, l’efavirenz (EFV) fait baisser l’exposition au télaprévir ; il faudrait donc en augmenter les doses.
Autorisation temporaire d’utilisation d’interleukine 7
Alain Lafeuillade ne s’est pas contenté de prendre position sur la question de la prophylaxie pré exposition (PrEP)[[http://fr.prweb.com/communiques/2012/5/prweb9526438.htm]] ; il a aussi dénoncé, à juste titre, le refus de l’Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM) d’accorder une autorisation temporaire d’utilisation (ATU) nominative d’interleukine 7 (CYT 107) pour une personne séropositive au VIH n’ayant plus que 16 CD4/mm3 et multipliant les infections opportunistes, donc en danger de mort[[bloque une réaction chimique ou enzymologique soit en empêchant la naissance d’une molécule ou sa fonction, soit en arrêtant toute une chaîne de production aussi bien immunologique que chimique ou bactériologique]] . La lettre de refus, à mots couverts, ce qui est quand même bien dommage, donne des indications sur la nouvelle politique de l’ANSM et de son directeur, Dominique Maraninchi : refus d’ATU nominatives pour pousser à l’ouverture d’ATU de cohorte ; cela afin de promouvoir la production de données accessibles et de limiter la recherche clinique déguisée. Les délivrances d’ATU nominatives ne se feront donc plus que pour des raisons « h
umanitaires ». Il aura fallu qu’Alain Lafeuillade fasse un recours gracieux auprès de Maraninchi et médiatise l’histoire pour avoir plus d’explications, et que s’engage un débat sur l’état de santé de quelqu’un qui n’a que 16 CD4/mm3 à en croire une dépèche de l’Agence de presse médicale.
Avec 16 CD4/mm3 et des infections opportunistes à répétition, Dominique Maraninchi espérerait vivre combien de temps ? Est-ce que ça ne serait pas humanitaire si c’était sa vie qui était en danger ?
Nous exigeons que Maraninchi trouve une issue, ATU nominative ou de cohorte, mais vite !