Act Up-Paris sera présente ce samedi 18 octobre à l’Existrans, la marche des trans et intersexes et de celles et ceux qui les soutiennent. Rendez-vous à 14h à Stalingrad !
Au-delà du plaisir de nous retrouver, de marcher et d’être visibles, ensemble, cette marche est proprement désolante. Elle entérine une défaite.
En 2006 déjà, à la suite d’une action d’Act Up-Paris, François Hollande, alors premier secrétaire du Parti Socialiste, assurait qu’il était favorable au changement d’état civil libre et gratuit.
Il s’engageait également à une réelle politique de lutte contre le sida chez les personnes trans, notamment en encourageant la recherche sur la santé des trans séropositives et par la mise en place de campagnes de prévention ciblées et vigoureuses.
Après bientôt deux ans et demi de mandat, qu’en est-il aujourd’hui ?
Les réactionnaires de tous poils et de toutes obédiences sont sortiEs de leurs égoûts.
Le gouvernement, effrayé de risquer la perte de quelques soutiens, se terre dans l’inaction, ne mentionnant notre existence qu’à de rares occasions, dont l’apparente sollicitude masque mal le mépris.
Lorsque, pétrie de fantasmes transphobes, une part grossissante de l’opinion s’inquiète de la « théorie du genre », le gouvernement se fait conciliant : il n’est pas question d’encourager les élèves des écoles à commencer une transition. Nous voilà rassuréEs !
Le gouvernement n’a pas déposé de projet de loi facilitant le changement d’état-civil.
De temps à autres, quelques parlementaires s’attellent à la question. Dire que le résultat n’est pas à la hauteur est un euphémisme : les propositions de loi qui en découlent nous mettent directement en danger, comme celle qui proposait que les changements d’état-civil soient publiés au Journal Officiel ! Le récent retour du Sénat à droite rend encore plus improbable l’adoption d’une loi qui n’aille pas de pair avec l’institutionnalisation des violences contre tout ou partie d’entre nous.
Lourde défaite. Le changement d’état civil libre et gratuit, sans condition d’opération ou de traitement hormonal ni de test de vie réelle, sans passer devant un juge, aurait permis, sans pour autant les faire disparaître, d’atténuer les violences, discriminations et exclusions auxquelles nous faisons face.
L’état-civil est un vecteur essentiel de notre exclusion sociale : il pèse un poids très important dans l’échec scolaire, universitaire, dans l’extrême difficulté de l’accès à l’emploi, dans les violences récurrentes au sein des institutions médicales.
Ces déboires législatifs ne doivent pas être notre seule préoccupation : les gouvernements reculent, le VIH et les IST avancent.
Les femmes trans sont en France un des groupes les plus touchés par l’épidémie de sida. La prévalence parmi elles équivaut à plusieurs dizaines de fois celle de la population générale, et s’élève à plus d’un tiers parmi les femmes trans migrantes ayant exercé le travail du sexe.
Si cela ne suffisait pas, des chiffres inquiétants nous parviennent de divers hôpitaux : les autres IST se répandent. Sur une file active de personnes trans traitées pour le VIH, ce sont ici 31 %, là-bas 51 % d’entre elles qui doivent en plus faire face à la syphilis. Une syphilis, une hépatite, une gonorrhée multi-résistante sur un sida sont autant de difficultés supplémentaires dans le parcours de soin. Difficultés que seul le préservatif permet pour l’instant d’éviter.
De campagnes de prévention vigoureuses et ciblées, nous n’entendons pas parler. Elle existent pourtant dans d’autres pays : les pouvoirs publics français sont à la traîne, tant ils craignent de froisser l’opinion publique, ou rechignent à attribuer des financements suffisants pour permettre une diffusion optimale des rares campagnes existantes.
La France, comme d’autres pays d’Europe, dégringole vers les idéologies réactionnaires, naturalistes et misogynes. Chaque nouvelle indignité de la majorité nous fait craindre plus encore qu’auparavant celles et ceux qui lui succèderont. Le nationalisme est une menace pour les trans, tout comme il constitue un danger pour les séropositifVEs. Une menace à laquelle le gouvernement nous expose chaque jour un peu plus, et un danger dont une loi, bien que nécessaire, ne nous protègera pas.
C’est pour cela, et parce que nous savons combien les violences et discriminations nous rendent vulnérables face au virus, que nous le répétons : plus que jamais nous devons rester solidaires, soudéEs, organiséEs, nous parler, constituer des réseaux… arracher des conquêtes.