Lors de la réunion du groupe réunissant les associations de donneurs, de patientEs, de santé et LGBT et les institutions sanitaires étatiques (DGS, EFS, INVS, ANSM, CNS), de ce matin, mercredi 4 novembre 2015, le nouvel arrêté régissant les conditions d’accès au don du sang, qui est censé mettre fin à l’exclusion permanente des homosexuels et bisexuels du don du sang, signé au printemps prochain, par Marisol Touraine, a été présenté.
Si les homosexuels et autres Hommes ayant des relations Sexuelles avec d’autres Hommes (HSH) ne seront plus exclus de façon permanente à l’issue de l’entretien pré-don, parce qu’ils déclaraient avoir eu au moins un rapport sexuel avec un homme au cours de leur vie, même des années auparavant, ils ne pourront maintenant donner leur sang que s’ils ont été abstinents de tout rapport sexuel l’année précédant le don de sang total, alors qu’il n’est demandé aux hétérosexuels qu’un partenaire sexuel dans les quatre derniers mois. Seule concession accordée, ils pourront faire un don de plasma, sécurisé par une quarantaine de 2 mois, s’ils n’ont eu qu’un partenaire sexuel au cours des 4 derniers mois.
Marisol Touraine promeut le même concept relayé par le Vatican et les évangélistes américains dans les pays africains et les Etats du sud des Etats-Unis, avec l’inefficacité que l’on connaît. La notion de rapport protégé avec un préservatif est totalement niée dans ces nouveaux critères, ce qui lance un signal fort en matière de politique de prévention du VIH et des IST en France.
L’égalité de traitement entre hétéros et homos jamais vue comme un but à atteindre
Les débats au cours des derniers mois se sont concentrés uniquement sur la période d’abstinence qui allait être imposée aux homosexuels et autres HSH, 1 an comme dans les pays anglo-saxons qui ont ouvert le don avant la France (Royaume Uni, Australie, Nouvelle Zélande et Etats-Unis) et en Finlande, Suède, Hongrie, République tchèque, Argentine et Japon ou 4 mois, en s’inspirant de l’Italie, où la contre-indication pour touTEs, hétéros comme homos et bis, fait suite à un changement de partenaire, sans condition d’abstinence.
Le scenario mettant homosexuels, bisexuels et hétérosexuels sur un pied d’égalité en se présentant au don n’a même pas été envisagé, bien que réclamé par certaines associations, comme Act Up-Paris, Sos Homophobie, Gaylib et l’initiateur de la pétition sur change.org. La notion discriminatoire de groupe à risque demeure, au détriment de la notion de comportement à risque, sur lequel devrait se fonder chaque entretien individuel pré-don.
Issu d’une réflexion ainsi orientée, le scénario retenu est lui-même critiquable pour de nombreuses raisons.
Premièrement, la décision d’un an d’abstinence ne prend pas en compte la situation italienne, où, en 15 ans de conditions d’ouverture du don du sang identiques quel que soit l’orientation sexuelle, aucune contamination par transfusion sanguine ne s’est produite, alors que le contexte épidémiologique du VIH se rapproche de celui de la France, prouvant ainsi la fiabilité de la sécurité des dispositifs.
Deuxièmement, cette décision est un recul par rapport à l’avis du groupe d’expertEs réuni en 2008, suite aux intentions de modifications de l’arrêté sur les critères d’exclusion au don du sang, qui préconisait une contre-indication de 4 mois. Roseline Bachelot avait maintenu en 2009 l’exclusion permanente des homosexuels malgré ses déclarations favorables à l’ouverture. La décision actuelle est donc la preuve criante d’un manque de courage politique.
Troisièmement, les tests effectués par l’EFS sur chaque poche de sang récoltée ont une période d’indétectabilité du virus du VIH de 12 jours seulement. Pourquoi imposer 365 jours d’abstinence, alors que 15 jours seraient amplement suffisants (même si ce concept d’abstinence nous paraît inepte ?
Quatrièmement, la question de la compliance, c’est-à-dire l’adhésion des homosexuels et HSH aux nouvelles normes édictées à leur encontre, a été longuement discutée. Plus la période d’abstinence est longue, moins cette période sera respectée et moins la confiance du médecin lors de l’entretien face aux déclarations du donneur potentiel sera grande, en particulier après deux ans d’abstinence totale. C’est pourtant la plus longue période d’abstinence, 1an, donc la plus difficile à respecter, qui a été adoptée.
Le Tasp, « le traitement comme prévention », destiné à faire baisser la charge virale du séronégatif jusqu’à la rendre indétectable et non contaminante, n’est pas pris en compte
A cette mesure d’1 an d’abstinence se rajoute la non prise en compte des données récentes de la recherche sur les modes de contaminations du VIH.
En effet, au sein d’un couple séro-discordant hétérosexuel monopartenaire, leA partenaire séronégatif se présentant au don doit avoir été abstinentE depuis 4 mois. L’étude PARTNER qui a suivi des couples séro-discordants homos et hétéros pendant plusieurs années, dont leA partenaire séropositifVE avait une charge virale indétectable depuis plus de six mois, a révélé qu’aucune contamination ne s’est produite au sein de ces couples. Les 4 contaminations détectées dans l’étude proviennent de relations extra-conjugales du partenairE séronégatifVE.
Le Tasp a fait ses preuves, la DGS et la Ministre n’en tiennent pas compte, alors que cela aurait été l’occasion d’une réelle égalité de traitement entre homos et hétéros, sans condition d’abstinence, et basée sur des données scientifiques fiables.
Pour un questionnaire précis et clair
Parallèlement à une prise en compte des rapports protégés dans l’autorisation à procéder à un don, nous réclamons que le questionnaire rempli avant un don, qui ne sert que d’indicateur puisqu’il est déclaratif, soit plus précis sur les comportements et pratiques du donneurSE futurE, notamment sur le nombre de partenaire par an et par mois, sur la fréquence des rapports non protégés, en fonction de la situation personnelle de la personne (célibataire, en couple stable ou ouvert, statut sérologique connu ou non du ou des partenaires etc). Cette précision sert à ce que la personne se rende compte de ses propres comportements et des risques potentiels de contamination qu’elle encoure. L’EFS a tout intérêt pour avoir des donneurSEs régulierEs à ce que ceuxELLES-ci fassent attention à leur santé, par la délivrance de conseils de prévention du VIH et des IST.
Enfin, le refus d’un don suite à l’entretien et la détection d’une poche de sang contaminée font l’objet d’un signalement et d’une notification dans un fichier de l’EFS, avec un code suivant la nature de la provenance du risque (FR 08 = HSH, par exemple). Il n’est porté nulle part à information du donneurSE qu’ilELLE sera fichée. L’EFS doit mentionner explicitement cette collecte de données en fin de questionnaire, et informer des évolutions de celle-ci suite à l’entrée en vigueur de l’arrêté présenté ce jour.
De plus, nous refusons la signature du questionnaire, qui pourrait occasionner un risque juridique au donneurSE en cas de poche contaminée et la criminalisation de la contamination, car nous estimons que de telles mesures sont contraires à l’incitation au dépistage
Une révision des critères future incertaine
On nous vend l’ouverture de la filière plasma aux mêmes conditions que les hétérosexuels, avec mise sous quarantaine de 2 mois et une analyse des résultats du nombre de poches contaminées, en complément des données recueillies sur le don de sang total, pour faire évoluer les critères, alors que le nombre de centres procédant au don de plasma n’est que d’une vingtaine sur toute la France.
Au cours de cette dernière réunion, la Ministre souhaite vivement qu’au bout d’un an une réévaluation sur la base des données collectées soit envisagée, mais la DGS nous a dit précédemment qu’au bout d’un an d’ouverture du don du sang aux homosexuels et autres HSH, le bilan établi pourrait aboutir ultérieurement à échéance de 2-3ans, à une révision moins drastique de la période d’abstinence.
En réalité, l’INVS qui procèdera à la surveillance a besoin de 3ans pour recueillir des données fiables, à supposer que se présentent au moins 80000 donneurs HSH. Comment arriver à ce nombre de donneurs questionnés en 3ans alors que les projections de la DGS et de l’INVS suite à la modification des critères d’ouverture recensent un potentiel de 21000 donneurs de sang total et 800 donneurs de plasma sécurisé par quarantaine par an, laissant calculer que 4 ans de recueil des données seront nécessaires? A cela la DGS répond que seuls des données fiables serviront à réviser les critères, quelque soit la durée que cela prendra.
Act Up-Paris exige :
Que les institutions soient claires sur leur volonté à long terme de faire évoluer les conditions d’ouverture en nous donnant dès maintenant les critères réels de leurs études et non des orientations vagues pour nous faire digérer ce qu’elles considèrent comme étant une grande avancée mettant fin à une discrimination.
Que l’EFS inclue dans l’entretien pré-don une incitation au dépistage des donneurSEs potentielLEs et des donneurSEs temporairement écartéEs du don, par la réalisation de TROD sur place et le don d’autotests, certes fiables 3 mois seulement après une prise de risques, comparés aux tests plus sensibles effectués sur les poches de sang, mais qui donnent à ces personnes le réflexe d’un suivi régulier de leur situation par le dépistage.
Que le Tasp soit pris en compte comme critère d’ouverture au don, pour le partenaire séronégatif d’un couple séro-discordant hétérosexuel comme homosexuel.
Que le questionnaire d’entretien soit plus précis dans ses formulations sur les pratiques de la personne et qu’il ne serve pas une future criminalisation de la contamination en étant signé.
Que la notion de groupe à risque soit définitivement abandonnée au profit de celle de comportement à risque.
Que les rapports protégés soient le critère primordial d’accès au don.
Que le courage politique soit mis en exergue face aux peurs irrationnelles et discriminantes.