Madame la Ministre,
La lutte contre l’hépatite C connaît une véritable révolution avec l’arrivée de traitements permettant des taux de guérison spectaculaires. Or, comme vous le savez, les prix de ces nouveaux traitements exigés par les laboratoires ont des répercussions graves et inédites sur nos principes mêmes d’accès aux soins.
Les recommandations du premier rapport d’experts sur les hépatites virales, qui constituaient une avancée importante dans la lutte contre la maladie, ont ainsi été reniées, notamment celles permettant une véritable approche de santé publique. Ces prix prohibitifs ont également obligé les pouvoirs publics – pour la première fois en France – à rationner l’accès aux soins, provoquant une perte de chance pour les malades. Les nouveaux agents à actions directes contre l’hépatite C ont ainsi été réservés aux malades à des stades avancés de la maladie ; les prescriptions ont été encadrées par la mise en place de Réunions de Concertation Pluridisciplinaires (RCP), pourtant inexistantes encore récemment pour la gestion des « anciens » traitements aux effets secondaires lourds et dévastateurs. Malgré des mesures correctrices introduites dans le plan de financement de la sécurité sociale en 2015, les prix « faciaux » de ces médicaments ont continué à alimenter d’importantes discriminations et stigmatisations.
Nous vous sollicitons aujourd’hui pour la mise en œuvre d’une véritable stratégie nationale de lutte contre l’hépatite C, reposant prioritairement sur la prise en charge des nouveaux traitements anti VHC par l’assurance-maladie pour toutes les personnes infectées par le virus et nécessitant un traitement, quel que soit leur stade de fibrose, en accord avec toutes les recommandations d’experts. Le nombre de malades à des stades avancées (F3/ F4), les seuls à avoir accès aux traitements selon les modalités actuelles, est en constante diminution. Nous devons désormais dépasser cette gestion de l’urgence par une approche soutenable au long cours. Cette évolution repose sur des mesures nécessaires et complémentaires.
Si l’ouverture des prescriptions ne pouvait s’accompagner d’une importante renégociation à la baisse des prix de ces traitements, nous rappelons que le gouvernement possède des outils pour choisir de fixer unilatéralement des prix supportables par notre système solidaire d’assurance-maladie. Plusieurs pays ont également permis un accès universel à ces traitements par le recours à la licence d’office, rendu possible dans le cadre de l’accord international sur les droits de propriété intellectuelle qui touche au commerce (ADPIC). Cette disposition prévue dans le code de la propriété intellectuelle français doit être utilisée dans le cas où les négociations avec les firmes ne permettraient pas d’obtenir des prix raisonnables que notre système d’assurance-maladie puisse supporter. Il existe des génériques de sofosbuvir, ledipasvir et daclatasvir vendus à des prix au moins 40 fois moins chers et qui peuvent être importés immédiatement.
De plus, les modalités de prescription de ces traitements doivent évoluer pour permettre une montée en charge de notre système, artificiellement embouteillé par le passage obligé de tous les dossiers en RCP. Cette modalité mérite d’être réservée aux cas les plus complexes, permettant ainsi de fluidifier la prise en charge et le suivi des malades. Les hépatologues de l’Association Française pour l’Étude du Foie partagent cette volonté d’ouvrir l’accès des nouveaux traitements à tous les malades, quel que soit le stade de fibrose.
Nous, collectifs et associations de malades et de défense de l’accès aux soins, mobilisés de longue date sur ces enjeux éthiques et de santé publique, souhaitons vous exposer nos propositions pour œuvrer conjointement à une gestion responsable et collective de l’épidémie. Nous sollicitons dès à présent une rencontre pour travailler dans ce sens.
Veuillez agréer, Madame la Ministre, l’expression de notre plus haute considération.