Act Up-Paris a été la première association généraliste de lutte contre le sida à se doter d’une commission trans. C’était il y a quinze ans. Depuis nous avons travaillé, suivant le mouvement général d’émancipation des trans. Nous avons obtenu que soient acceptées ici les statistiques américaines selon lesquelles la population trans était la plus touchée par le sida et où les trans de couleur étaient doublement touchées. A partir de là, il a fallu se battre pour que la spécificité des trans soit reconnue : l’interférence entre le VIH, les antirétroviraux et les hormonothérapies. Il fallait absolument une étude épidémiologique sur les trans et le VIH : sans chiffres, sans statistiques nous n’étions pas pris au sérieux dans les ministères. Il a fallu dix ans pour l’obtenir. Et seul un résumé a été publié à défaut de l’étude complète.
Dès les études du 19ème siècle sur la tuberculose en milieu ouvrier nous savons que le médical dépend du social. En France les personnes trans ont été traitées en malades, soumises à des traitements violents, parfois meurtriers (électrochocs, lobotomies, hormonothérapie contraire) et à des suivis médicaux oppressifs. Dans les années 80, s’installe une structure de spécialistes autoritaires autoproclamés, attachée à défendre son monopole à décider qui a droit ou non d’opérer les personnes trans. Jamais ces équipes n’ont parlé du sida. Avec nos alliés, nous avons obtenu la dépsychiatrisation de la question trans, et si nous n’avons pas obtenu le démantèlement de ces équipes nous avons fait éclater le monopole de certains chirurgiens aux pratiques hasardeuses.
Les femmes trans migrantes TDS ont été à l’avant garde de la lutte contre le Sida. Ce sont elles par exemple qui ont permis qu’ils se constituent des cohortes dans les hôpitaux pour observer les spécificités des trans. On peut s’étonner qu’une association hégémonique comme l’InterLGBT ait été incapable de condamner les lois de pénalisation des clients des prostituées, unanimement reconnues néfastes par la communauté de la lutte contre le sida.
La question trans ne se limite pas au genre et au médical. Encore aujourd’hui les trans, le plus souvent, sont excluEs du système éducatif ; combien obtiennent d’être maintenues à leur poste professionnel après transition? L’obtention de papiers en accord avec leur vie sociale – un serpent de mer du gouvernement Hollande -, sera un progrès, certes. Mais ce ne sera qu’un début, comme le vote des femmes en 1945.
Les médias en France sont délibérement hostiles aux trans. Blagues répugnantes (« la chanson « Travelo »), personnes que l’on appelle par leur ancienne identité (« vous vous appelliez Jean Pierre avant? »), cinq minutes à la porte parole de l’InterLGBT pour discuter de la loi pour les trans, et des heures pour recevoir en mode sensationnelle une de plus qui a « changé de sexe », sans aucune allusion à la loi promise, et avec plaisanterie graveleuse, d’Ali Badou (« Avec vous on va avoir la solution de l’énigme est-ce que les femmes jouissent plus que les hommes? »).
L’avenir s’assombrit. L’incurie de la gauche pousse les électeurs vers la droite ou l’extrême droite. La population trans a toujours connu des expulsions. En ce moment le gouvernement Hollande expulse les trans migrantes séropositives. Vous imaginez sous un régime autoritaire ? Préparons-nous à riposter.