Chaque année Act Up-Paris sollicite les laboratoires pharmaceutiques spécialisés dans les médicaments contre l’infection à VIH pour participer financièrement à la poursuite de ses actions. Cette année, sans donner d’explication, notamment lors de nos rendez-vous avec ses dirigeants, gilead a amputé d’un tiers sa contribution, la ramenant à 30000eur. Contrairement au don de Bristol-Myer-Squibb (https://www.actupparis.org/spip.php?article5566), nous ne pouvons refuser une telle somme pour permettre la poursuite sereine de notre activité et de nos actions de plaidoyer.
Cependant nous nous devons d’interroger les raisons de cette baisse. Nous évacuons d’emblée les arguments portant sur le chiffre d’affaire et le profit du laboratoire Gilead. Pour le 3ème trimestre 2016, ils s’élèvent à respectivement 7.4 milliards et 3 milliards d’euros. Surtout, les dons des laboratoires ne sont pas pour nous une variable d’ajustement propice aux arrangements fiscaux, mais un dû qui ne compensera jamais intégralement le lourd tribut payé par les séropositifVEs en attendant la mise sur le marché de traitements, la disponibilité des génériques ou l’amélioration de la tolérance de ceux-ci. Est-ce à cause de l’activisme des associations, et d’Act Up-Paris notamment, face à l’indécence des prix des nouveaux médicaments pouvant guérir de l’hépatite C (intégrant le sofosbuvir) que pratique Gilead dans les pays développés, faisant peser un fardeau sur les systèmes de santé et la sécurité sociale en France? Est-ce une tentative de pression sur les associations pour les faire aller dans le sens de Gilead de faire modifier les critères d’appréciation de nouveaux médicaments par la HAS en privilégiant avant tout la tolérance plutôt que l’efficacité, pour pouvoir recycler leurs vieux médicaments, dont les brevets arrivent à expiration, comme le Truvada et sa nouvelle formule, le Descovy, et s’économiser en frais en Recherche et Développement pour trouver les futurs traitements qui guériront véritablement du sida? Ne plus allouer de dons à une association de malades séropositifVEs quand on est un labo, c’est vouloir le silence des séropos. Ne plus allouer de dons à une association de malades séropositifVEs quand on est un labo, c’est vouloir la mort des séropos. Habitués aux calculs les plus poussés des laboratoires pharmaceutiques pour assurer leurs finances, Act Up-Paris est surpris de cette grossière erreur. On ne tue pas une poule aux œufs d’or, on la ménage. Alors, vous aussi, les labos, vous pensez que le sida a changé, que ce n’est plus grand chose, qu’il faut arrêter avec ces traditions du passé et cette dette de sang ? Vous avez tort ! Les contaminations sont toujours là, les mises sous traitement s’accumulent et sont de plus en plus précoces, la précarité prend du terrain, les discriminations ont encore une longue vie devant elles et nos santés sont bien impactées contrairement à cette tendance où l’on veut rassurer et dire que ce n’est rien. Les effets secondaires de vos traitements sont toujours aussi indésirables, bien que cachés au fin fond de polices très petites sur vos notices qu’on n’ose pas déplier par peur de ne jamais savoir les replier. Il ne faut pas minimiser les problématiques des maladEs d’aujourd’hui. Héritées du passé elles perdurent et nous font la vie dure. Tandis que vos dons ne perdurent pas et notre association s’en va. En nous tuant vous faite une autre erreur : prochainement les remboursements des soins et des traitements diminueront en ce libéralisme à tout prix qui se fait poindre en ce contexte d’échéances électorales. Vous aurez besoin de nous pour défendre les prises en charge actuelles, car nous avons l’habitude de la colère contrairement à vous. Vous ne ferez pas le poids et serez dépendants de nous, qui défendrons nos vies et notre accès aux soins, pour espérer garder intacts vos bénéfices. Car si la prise en charge est attaquée, nous ne pourrons plus consommer vos médicaments, en étant déjà précariséEs. Ils manquent des zéros à votre don. Nous les attendons car sinon vous allez vous-même en devenir.