{{Définition des principes de Denver extraite du livre d’Act Up-Paris, {Le sida, combien de divisions ?}, éditions Dagorno, 1994}}
En 1983, des gays américains malades du sida se rassemblent pour la première fois à l’occasion du deuxième Congrès national sur le sida qui se tient à Denver. Tous ont le sentiment commun d’avoir été dessaisis de leur autonomie : ils sont considérés comme les victimes d’une maladie dont on sait encore très peu de choses. […]
Ils rédigent une charte que l’on peut considérer aujourd’hui comme l’acte de naissance de l’activisme sida. Son préambule est une mise au point lexicale. Ils refusent d’être traités comme des «victimes» et estiment qu’ils ne sont des «patients» qu’à l’occasion de tel ou tel acte médical. Ces deux termes évoquent en effet «l’impuissance», «la dépendance» et «la passivité» : «Nous sommes des personnes atteintes par le sida (People With Aids – PWA)». Et «nous luttons pour la vie».
La suite du texte est un appel solennel aux PWA. Il est urgent qu’ils se prennent en charge. Ils ne doivent pas abdiquer en confiant leur destin à d’autres qu’eux-mêmes. Ils formeront des comités, se choisiront des représentants, établiront les conditions d’une parole collective inédite, s’adresseront eux-mêmes aux médias et décideront démocratiquement des stratégies qu’ils emploieront et de l’ordre de leurs priorités. Ils demandent d’être désormais partie prenante à tous les niveaux de décision, de participer à tous les colloques sur le sida, d’y bénéficier d’une crédibilité égale à celle des autres intervenants, d’y faire connaître leurs expériences. Ils s’engagent à adopter des pratiques à moindre risque et à «informer leurs partenaires sexuels éventuels de leur état de santé». Ils exigent enfin d’avoir accès «à des soins médicaux et à des services sociaux de qualité, sans discrimination d’autre sorte relative à leur orientation sexuelle, leur sexe, leur état de santé, leur statut économique ou leur race», de recevoir «des explications complètes sur toutes les procédures médicales et sur les risques qu’elles comportent», de pouvoir «choisir ou refuser les modalités des traitements qui leur sont proposés», et de «prendre des décisions pour leur vie en tout connaissance de cause».
Les principes de Denver décrivent le programme de l’activisme sida pour les années qui suivent. […]
{{Lire également à ce sujet}} Michael CALLAN, Dan TURNER, « A History of The People With AIDS Self-Empowerment Movement », {Body Positive}, Vol. X, n° 12, december 1997. [->http://www.thebody.com/bp/dec97/hist.html]. Callan et Turner sont deux pionniers de l’{empowerment} et ont participé à l’histoire du mouvement PWA et à la naissance des principes de Denver.