Edito
Le 5 février dernier, nous organisions une Assemblée Générale sur la pénalisation de la transmission du VIH, précédée d’une tribune dans Le Monde et suivie d’un débat sur France Culture.
Le 5 février dernier, nous organisions une Assemblée Générale sur la pénalisation de la transmission du VIH, précédée d’une tribune dans Le Monde et suivie d’un débat sur France Culture.
Comment s'y prend la justice pour tenter de prouver qui a contaminé qui par le VIH dans le cadre d’un procès autour d’une possible contamination par voie sexuelle ? En dehors des éléments de l’enquête complétés par des informations sur les habitudes et modes de vie des personnes en conflit, l’expertise médicale est maintenant entrée, à l’étranger, dans ce type de procès. Il s’agit des tests génotypiques jusqu’ici utilisés pour optimiser les traitements en évaluant le degré de résistance du VIH aux antirétroviraux par recherche de mutations dans la séquence des gènes viraux codant pour les cibles des antirétroviraux. En l’état, leur utilisation dans ce cadre judiciaire est cependant sujette à caution, tant le virus du sida est complexe.
La pénalisation de la transmission du VIH a pour conséquence inéluctable l'emprisonnement de personnes gravement malades. En effet, l'administration de substance nuisible ayant entraîné une infirmité permanente peut être punie en France jusqu'à vingt ans de réclusion criminelle[[art. 222-7 à 222-14-1 du Code Pénal]]. Or, la prison demeure un lieu de non-respect de la protection de la santé et de la dignité des détenus, et notamment des malades. Dès lors, Act Up-Paris estime que les conditions de vie et d'accès aux soins en prison, ainsi que la difficile application de la loi sur la suspension de peine pour raisons de santé, rendent la détention incompatible avec la prise en charge d'une personne atteinte d'une pathologie lourde.
Criminalisation dans le monde et discriminations des personnes séropositives
Il y a 33 millions de personnes séropositives dans le monde. La transmission du VIH est un processus en chaîne : faudrait-il mettre ces 33 millions de personnes en prison, pour que l'épidémie s'arrête ? Non, cela ne servirait à rien car la plupart des contaminations ont lieu alors même que les personnes ne sont pas encore dépistées.
Alors, pourquoi, dans de nombreux pays, des lois criminalisant la transmission sexuelle du VIH sont-elles en train de naître, des procès en train de se tenir, des personnes séropositives condamnées à des peines de prison pour avoir transmis le VIH ?
Il y a 20 ans, des lois ont été conçues pour protéger les personnes vivant avec le VIH. À présent, un peu partout dans le monde, ces lois ont été transformées et adaptées. Avec chaque fois la même conséquence : elles bafouent les droits humains fondamentaux des personnes séropositives et sont contre-productives en termes de santé publique.
Retour sur les procès et la jurisprudence en France.
En France, aucun texte de loi ne criminalise les séropositifVEs en cas de transmission du VIH. En 1991, lors de l'examen de la réforme des dispositions du code pénal, le Sénat avait adopté un amendement faisant de la transmission du virus du sida une infraction passible de trois ans de prison et d'une amende. Suite aux pressions associatives, cette disposition avait ensuite été supprimée par l'Assemblée nationale.
Pour autant, les procès se multiplient et celles et ceux qui s'estiment « victimes » d'une « transmission volontaire » du sida à la suite de rapports non protégés réclament la condamnation des présuméEs coupables de leur contamination. Si beaucoup de plaintes ont été déposées, peu sont allées à leur terme, notamment à cause de l'infraction sur laquelle elles se fondaient. La transmission du VIH par voie sexuelle est en effet difficilement qualifiable pénalement. À Act Up-Paris, nous sommes contre toute judiciarisation de la transmission sexuelle du VIH : nous ne pensons pas que le drame d'une contamination se règle devant la justice.
Depuis le début de l’épidémie, les stratégies communes de lutte contre le sida consistent à informer massivement sur les modes de transmission du VIH, à promouvoir le préservatif, à inciter au dépistage et à affirmer la responsabilité individuelle de chacunE – quel que soit son statut sérologique - de se protéger. Ce dernier est principe essentiel, que l’on appelle la responsabilité partagée en cas de contamination. C'est ce fondamental que la pénalisation de la transmission sexuelle du VIH vient remettre frontalement en cause.
À Act Up-Paris, nous pensons que, pour éviter les contaminations, au lieu d’introduire la justice dans nos lits, de traîner les séropos devant les tribunaux puis de les jeter en prison, il faut se donner concrètement les moyens – à travers des campagnes de prévention plus précises et plus développées – de rendre tout le monde concerné par ce virus et donc à même d’adopter des comportements responsables.