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sida : cause toujours

Cela fait 6 mois que le sida est «Grande cause nationale». 6 mois pour rien. Rien. Qu’a fait le gouvernement pour améliorer le dispositif de lutte contre le sida, le dépistage, l’accès aux soins, aux droits ? Où sont les campagnes de prévention, d’information, de sensibilisation financées par l’Etat ? Que font les administrations en dehors de leur travail routinier ? Quels moyens supplémentaires leur ont été accordés pour lutter contre la pandémie ? Quand le gouvernement va-t-il enfin s’emparer des revendications associatives ? A quel moment unE ministre compétentE va-t-il/elle s’y intéresser ? Y a-t-il unE seulE ministre compétentE au gouvernement ? Philippe Douste-Blazy puis Xavier Bertrand a t-il/elle fait travailler la moindre personne de ses services, depuis janvier dernier, sur la place des femmes dans les essais ou sur l’assurabilité des séropos, autant de revendications présentées comme essentielles par les associations du Collectif sida Grande cause nationale ? Quel égard pour ces mêmes associations, à qui on demande d’assurer, avec des moyens toujours plus restreints, les missions des pouvoirs publics ; mais qu’on refuse d’écouter, dès lors qu’elles réclament des mesures de bon sens ? Il y a des dispositions extrêmement simples à prendre, et le label « Grande Cause » devrait permettre à unE ministre de la santé digne de ce nom de les défendre au gouvernement, devant des parlementaires ou auprès des administrations, comme l’amélioration des horaires des CDAG et des pharmacies hospitalières, ou encore l’ouverture de consultations de sexologie et de prévention dans chaque service d’infectiologie. Il nous manque unE ministre de la Santé digne de ce nom. Les services du ministère de la santé, bien loin de profiter de la Grande cause pour imposer de nouvelles mesures, se réfugient derrière ce label pour ne rien faire et laisser les associations travailler. C’est ainsi que nous avons pu entendre des responsables administratifVEs se réjouir que le collectif Grande cause nationale ait choisi le mois de juin pour parler du sida chez les pédés, car cela rendrait toute campagne institutionnelle superflue… Dans ce contexte, où la Grande cause est une caution supplémentaire que le gouvernement s’octroie pour ne rien faire, les impressions de « déjà vu » sont nombreuses et désespérantes. Aucune leçon ne semble jamais être tirée des erreurs passées, et des critiques, pourtant plus que justifiées, que nous avons pu émettre. Deux exemples. La nomination de Pascal Lamy à la tête de l’Organisation mondiale du commerce nous rappelle à quel point nous avons dû nous battre contre cet allié « objectif » de l’industrie pharmaceutique, qui, dans la bataille des génériques, a sacrifié à la logique de profits la vie de milliers de malades. Il s’agit d’une des plus mauvaises nouvelles de l’année, et il faudra bien un jour ou l’autre que le Parti socialiste français, auquel Pascal Lamy appartient, prenne ses responsabilités et dénonce ses positions sur les brevets. Autre combat qu’il faut constamment relancer, la lutte contre l’utilisation dans l’épidémiologie du terme de « groupes à risques ». Au cours d’une réunion organisée par la DGS sur la réglementation des établissements de sexe, un sociologue à l’INSERM, Alain Giami, propose de réactiver cette notion car, statistiquement, il y a plus de séropositifVEs chez les homosexuels et chez les migrantEs que chez les hétéros, donc le risque de transmission est plus fort dans ces « groupes ». Comment peut-on proférer de telles âneries après plus de 20 ans de lutte contre le sida ? En défendant une vision purement statistique de l’épidémie, Alain Giami oublie à quel point l’idée de « groupes à risques » engendre rejet et stigmatisation ; il oublie aussi combien cette notion autorise ceux et celles qui estiment ne pas appartenir à des « groupes à risques », à renoncer à la prévention. Les exemples actuels ne manquent pas. Face à cette démission des pouvoirs publics, face à ce retour perpétuel des erreurs passées, nous avons besoin de communautés fortes, soudées. Et je pense notamment à la communauté LGBT. La position tenue par la majorité des pédés depuis une dizaine d’années a été par trop luxueuse. L’indifférence vis-à-vis du relâchement des comportements safe, le refus de condamner le bareback, l’absence d’égards vis-à-vis des trans ou des nouvelles générations de gays qui se sentent moins concernéEs par la sida : tout cela fait autant de dégâts que l’incurie des pouvoirs publics. Demandez-vous ce qui manque à la communauté LGBT pour mieux lutter contre le sida. Plus de droits ? Des lieux de convivialité et d’écoute, éventuellement intégrés dans des bars ou des établissements de sexe, où l’on puisse ouvertement parler du virus, de prévention ou de soins ? Une visibilité plus grande des séropositifVEs et des malades du sida pour lutter contre le rejet, la discrimination et le « sérotriage » en matière de relations sexuelles ? Des capotes, du gel, des gants plus disponibles ou gratuits ? Des CDAG ouverts plus longtemps ? Une meilleure information sur les interactions entre les médicaments, les drogues et l’alcool, pour pouvoir faire la fête sans prendre de risques inconsidérés ? De la prévention et de la lutte contre l’homophobie, la lesbophobie, le sexisme et la transphobie dans les établissements scolaires ? Demandez-vous ensuite ce que vous pourriez faire pour améliorer la situation. Lutter contre le sida, c’est commencer par se poser ce genre de questions, avant de se battre collectivement pour y trouver des réponses. Le mois de juin, avec la Celebration and Safe Week organisée par Act Up ou la Marche des fiertés, en est une bonne occasion. Battez-vous. Rejoignez-nous.

 

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