Dans un contexte général de répression et de crise sanitaire, les étrangèrEs séropositifVEs doivent se battre pour des titres de séjour, le droit au travail, l’accès aux soins… Qu’en est-il des femmes africaines pour qui ces difficultés sont accrues par la stigmatisation d’être femmes, étrangères et séropositives ? Toutes les réponses qui suivent devraient déjà être connues. Néanmoins, rappeler ces évidences et le cumul des discriminations reste indispensable face à l’ignorance générale du grand public.
On aurait tort de croire que les femmes africaines séropositives vivant en France constituent un groupe homogène. Au contraire, le lieu et le moment de leur séroconversion et de la découverte de leur statut sérologique, les raisons de leur présence en France et l’ancienneté de leur arrivée génèrent des trajectoires singulières. On peut cependant identifier des conditions de vie communes liées à leur triple statut de femmes, séropositives et étrangères.
Les problèmes économiques et sociaux qui touchent les étrangèrEs malades frappent plus violemment encore les femmes. Outre la difficulté d’obtenir la régularisation de leur situation administrative, celle d’avoir accès à une couverture sociale et à une autorisation de travail sans compter l’exploitation et les discriminations dans le milieu professionnel, elles doivent faire face à la domination masculine, dans leurs communautés autant que dans la société.
Cette domination se manifeste à travers des facteurs spécifiques de précarisation des femmes (chômage plus important, bas salaires, temps partiels), qui sont aggravés pour les femmes étrangères séropositives venues s’installer en France, seules ou avec leurs enfants, et qui ont pour cela souvent utilisé toutes leurs économies. Dans la précarité, l’attention accordée par ces femmes à leur propre santé entre en concurrence avec la nécessité de trouver au jour le jour des réponses aux besoins vitaux. De ce fait, leur état de santé s’aggrave, ce qui entraîne une précarité encore plus grande. Pour les femmes qui rejoignent leur famille en France, la situation n’est guère meilleure du fait de leur dépendance financière.
Ce sont également les représentations du sida dans leurs communautés, marquées par la stigmatisation des séropositifVEs, qui génèrent un déni par rapport à la maladie : la pression sociale est particulièrement forte lors de la découverte et/ou de l’annonce de leur séropositivité et amène souvent au silence sur son propre statut. Comme en témoigne Aimée Batsimba-Keta de l’association Ikambéré, certaines n’osent pas fréquenter ce lieu, pourtant communautaire, de peur de rencontrer une membre de leur famille. Craignant l’exclusion, beaucoup se trouvent dans l’impossibilité de dire leur statut sérologique.
Du côté de la prévention, les femmes africaines hétérosexuelles se trouvent dans la même situation que de nombreuses autres femmes : la difficulté ou l’impossibilité d’imposer le préservatif. Séropositives, une difficulté supplémentaire survient : celle de faire admettre cette séropositivité à leurs partenaires et donc de leur imposer un moyen de prévention. Certains hommes refusent en effet catégoriquement de se protéger alors même que leur partenaire leur a annoncé sa séropositivité.
Pour modifier les représentations liées au sida – tant du point de vue de la séropositivité que des pratiques de prévention – la parole des femmes africaines séropositives doit se libérer et être accompagnée d’une politique d’information sur le dépistage, les modes de contamination, les pratiques de prévention qu’ils imposent et les traitements.
Devenir actrice de sa maladie est particulièrement difficile dans des conditions sanitaires et sociales désastreuses. C’est pourtant d’une mobilisation des femmes que nous avons besoin aujourd’hui pour libérer la parole et combattre la stigmatisation. L’épidémie reculera dès lors qu’un mouvement collectif et visible, s’amorcera.