Témoins de la dégradation des conditions de vie des malades et des difficultés croissantes d’être régulariséE, nous savons que c’est sur le terrain politique en traquant les dysfonctionnements et en dénonçant publiquement les responsabilités politiques, administratives et législatives, que nous installerons le rapport de force nécessaire pour rendre effectifs les droits inscrits dans la loi et en gagner de nouveaux.
Le droit au séjour pour raison médicale a été introduit par la loi du 11 mai 1998. Selon cette loi, les malades étrangerEs qui résident « habituellement » en France et dont l’état de santé nécessite « une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité, sous réserve qu’il ne puisse bénéficier d’un traitement approprié dans le pays dont il est originaire » peuvent se voir délivrer une carte de séjour temporaire avec la mention « vie privée et familiale » dès lors qu’il/elle réside en France. Dans la pratique, ce droit est largement bafoué par les pratiques administratives. Il ne leur est souvent délivré que des Autorisations provisoires de séjour (APS), beaucoup plus restrictives en termes de droits qu’un titre de séjour. Rappelons qu’unE étrangerE malade sans titre de séjour ne peut : ni travailler, ni avoir un logement, ni toucher l’AAH et qu’il/elle se retrouve donc dans l’impossibilité de prendre correctement en charge sa santé.
Comme si ces situations aberrantes ne suffisaient pas, le ministre de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Co-Développement propose, dans un énième projet de loi, de réduire encore les conditions d’accès au regroupement familial. Ainsi pour avoir le droit de rejoindre sa famille en France, viennent s’ajouter aux critères déjà très stricts, le devoir de prouver notamment que l’on connaît la langue française et que l’on respecte la très étrange notion de « valeurs de la République ». Celles-là mêmes que bafouent ouvertement une Christine Boutin à l’Assemblée nationale avec sa Bible ou un Christian Vanneste tenant publiquement des propos homophobes.
Le projet de loi voté en première lecture à l’Assemblée nationale prévoit également de relever les conditions de ressources imposées à ceux et celles souhaitant faire venir leur famille. Cette mesure est discriminatoire pour les malades dont l’état de santé ne permet pas d’atteindre un tel niveau de revenus. La Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et l’Egalité (HALDE) l’a elle-même reconnu, en décembre 2006, sur une disposition législative similaire. Et pourtant, moins d’un an plus tard, le gouvernement n’hésite pas à réitérer cette mesure inique.
Forts de tels constats, les membres de la commission EtrangerEs ont cherché à rencontrer les décideurs politiques. M. Gaume, chef de cabinet du préfet de Paris nous a reçu le 14 août. Après plusieurs heures à tenter de minimiser les aberrations de son Administration, nous avons obtenu satisfaction pour quelques personnes. Ainsi, un malade du sida d’origine brésilienne pourra se soigner pendant un an en France, de même le mari d’une femme séropositive et père d’enfants néEs en France pourra également se soigner et poursuivre les études d’infirmier qu’il avait entreprises depuis un an. Nous tenons à souligner qu’il ne s’agit en fait que d’obtenir une bonne application de la loi. Que penser d’un tel système qui règle quelques cas pour mieux omettre les milliers d’autres au mépris du droit et de la dignité des personnes ?
Cas d’école
Cet été, après l’expulsion d’un homme séropositif, nous avons exigé son retour du ministère de l’Immigration et l’avons finalement obtenu. Nous avons rencontré Thierry Coudert, directeur de cabinet du ministère de l’Immigration, avec la Cimade, seule association présente dans les centres de rétention, et Aides qui a travaillé avec nous sur des cas de malades expulséEs ou misES en rétention. Étrange rendez-vous : tout en affirmant son attachement au principe d’inexpulsabilité des malades, il était incapable d’assumer les dysfonctionnements de l’Administration dont il est pourtant au sommet. Quant au lien entre politique du chiffre et multiplication des décisions et des jugements bafouant les droits élémentaires des malades, il en niait la réalité. La responsabilité serait selon lui à chercher du côté des médecins qui donnent des certificats « complaisants », des demandeurEs qui n’ont pas tous de « vraies maladies ». On retrouve là la petite musique culpabilisatrice que le gouvernement nous joue sur les franchises, les ALD, etc.
Aujourd’hui, la seule alternative offerte par l’Etat français aux étrangerEs malades c’est de vivre seulEs ou mourir. Act Up-Paris a dénoncé cette alternative criminelle : lancement d’une campagne d’affichage, alerte auprès des médias, lettre ouverte à Brice Hortefeux. À présent, nous sommes effrayéEs par les ambitions affichées du même Brice Hortefeux qui entend modifier la Constitution afin de pouvoir instaurer des quotas en matière d’immigration. Une telle mesure est en totale contradiction avec l’article 8 de la Convention Européenne des Droits Humains qui établit que : « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ». Nous refusons toute décision qui limiterait l’accès aux droits au séjour des malades et qui considérerait les malades comme des « variables d’ajustement ».
Act Up-Paris exige :
– que le droit au séjour des malades soit respecté dans l’intégralité du territoire français ;
– que le droit des personnes à vivre auprès de leurs proches soit une réalité ;
– que cesse cette frénésie législative à faire la guerre aux étrangerEs.