Roche : Un mépris historique au service de l’avidité
Le 3 juillet dernier, au cours d’un rendez-vous avec les associations de personnes vivant avec le VIH/sida de Corée du Sud, le PDG de Roche-Corée, Mr Uls Flueckiger a montré à de nombreuses reprises son mépris pour les personnes vivant avec le VIH/sida. Pendant le même entretien était présent un malade en échec thérapeutique ayant urgemment besoin d’être mis sous Fuzeon ; Mr Flueckiger, plein d’arrogance, a tout simplement refusé d’écouter son histoire.
Quand on a le monopole, pas besoin d’être humain
Le 28 septembre dernier, à travers un communiqué de presse signé par une trentaine d’associations du monde entier, les activistes Sud-Coréens appelaient la communauté internationale mobilisée contre le VIH/sida à se joindre à une semaine d’action contre le laboratoire suisse, pour protester contre la décision de Roche de préférer rompre les négociations avec le gouvernement coréen sur le Fuzeon, plutôt que de baisser ses prix.
En effet, alors que la Corée proposait 18000$ pour le Fuzeon, Roche en exigeait 22000$, par an et par personne. En Corée, où le PNB par habitant est de 20000$, Roche impose le même prix que pour un pays comme les Etats-Unis où le PNB par habitant est 46000$.
A noter que la Corée du Sud, compte tenu de sa position de pays « intermédiaire », n’est pas éligible au Fonds Mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, ce qui signifie que le Fonds Mondial ne participe pas à l’achat de médicaments.
Refuser de baisser le prix du Fuzeon, sous prétexte que la Corée « a les moyens de payer », rompre les négociations et laisser les personnes vivant avec le VIH en échec thérapeutique sans un traitement adapté est tout simplement meurtrier.
Une semaine mondiale d’action
Pour dénoncer l’infamie de Roche, les activistes sud-coréens ont appelé l’ensemble de la communauté internationale à se mobiliser pendant une semaine d’actions (du 1er au 7 octobre), les associations de personnes vivant avec le VIH/sida ont donc dénoncé l’attitude pleine de mépris et de cynisme du laboratoire Roche. Au lendemain de l’annonce de cette semaine de mobilisation, la première réaction de Roche a été de prendre contact avec Act Up-Paris.
En outre, alors que Roche a pris tout de suite contact avec les ONG du Nord, comme Act Up-Paris, il a, tout au long de cette semaine d’action, repoussé le moment où il prendrait contact directement avec les activistes et personnes vivant avec le VIH de Corée du Sud.
C’est ce que le porte-parole d’Act Up-Paris en contact avec la firme a immédiatement dénoncé en le mettant en contact avec les activistes sud-coréens. Mais, une semaine après, les sud-coréens n’avaient toujours pas été contactés par Roche — alors qu’ils avaient manifesté tous les jours devant le siège de Roche à Seoul (cf. http://medicineact.jinbo.net). A Paris, le 3 octobre dernier, Act Up a organisé une action devant le siège de Roche-France à Neuilly-sur-Seine. Une heure après, une délégation était reçue par Deborah Szafir, responsable de la communication de Roche-France, qui déclarait : « que la maison-mère s’engageait à trouver une option acceptable à la situation en Corée et à trouver un arrangement sur les prix ». Lundi, dans un communiqué envoyé (seulement) à Act Up-Paris, Roche n’apportait aucune réponse aux questions posées par les activistes sud-coréens. La seule réponse apportée par le laboratoire consistait à faire porter la responsabilité de l’échec des négociations sur le Fuzeon en Corée sur le gouvernement sud-coréen.
Un cynisme au service de l’avidité (coûts de production et désengagement de la recherche)
Concernant la possibilité pour la Corée du Sud d’émettre une licence obligatoire sur le Fuzeon, le PDG de Roche-Corée, Mr Flueckiger déclarait cyniquement le 3 juillet au cours du même rendez-vous, que la Corée n’avait de toute façon pas la possibilité de produire du Fuzeon et que le brevet n’était donc pas le problème.
Habituellement, pour justifier du coût très élevé de ses médicaments, le laboratoire met en avant le prix de la recherche et du développement (R&D). Seulement, en juillet 2008, Roche a annoncé qu’il se retirait de la recherche dans le domaine du VIH/sida.
Aujourd’hui, pour justifier du coût très élevé du Fuzeon, Roche n’a eu de cesse de mettre en avant le coût de production de l’inhibiteur de Fusion et de sa complexité à fabriquer. La communauté activiste a alors demandé à Roche de communiquer sur ses coûts de production, dans la plus grande transparence et de la façon la plus précise possible. En effet, si le Fuzeon est si complexe et inintéressant à commercialiser, le laboratoire ne devrait pas se montrer rétissant à communiquer des chiffres précis. La réalité, c’est tout simplement que Roche est incapable de mettre ses médicaments à disposition de tous, et qu’il est très difficile de croire que les ventes du Fuzeon sont si inintéressantes pour Roche, quand on sait qu’en 2007, les ventes du Fuzeon lui ont rapporté 266,8 [[Roche to suspend HIV research, seing no advances, 11.07.08, Reuters]] millions de dollars.
Le cynisme de Roche et sa tendance à systématiquement abuser de sa position de force sur les personnes vivant avec le VIH/sida a assez duré. Si Roche s’est montré incapable de prendre en compte les revendications des activistes sud-coréens, et de revoir à la baisse le prix du Fuzeon en Corée, nous exigeons :
– de Roche qu’il renonce à son brevet sur le Fuzeon puisqu’il n’est pas en mesure de le mettre à disposition de tous
– du gouvernement sud-coréen qu’il émette une licence obligatoire sur le Fuzeon, ainsi que sur chacun des médicaments de Roche
– de tous les pays qu’ils émettent des licences obligatoires sur les médicaments du laboratoire Roche.
Des photos de la semaine mondiale d’actions contre Roche sont également disponibles.