Retour sur les procès et la jurisprudence en France.
En France, aucun texte de loi ne criminalise les séropositifVEs en cas de transmission du VIH. En 1991, lors de l’examen de la réforme des dispositions du code pénal, le Sénat avait adopté un amendement faisant de la transmission du virus du sida une infraction passible de trois ans de prison et d’une amende. Suite aux pressions associatives, cette disposition avait ensuite été supprimée par l’Assemblée nationale.
Pour autant, les procès se multiplient et celles et ceux qui s’estiment « victimes » d’une « transmission volontaire » du sida à la suite de rapports non protégés réclament la condamnation des présuméEs coupables de leur contamination. Si beaucoup de plaintes ont été déposées, peu sont allées à leur terme, notamment à cause de l’infraction sur laquelle elles se fondaient. La transmission du VIH par voie sexuelle est en effet difficilement qualifiable pénalement. À Act Up-Paris, nous sommes contre toute judiciarisation de la transmission sexuelle du VIH : nous ne pensons pas que le drame d’une contamination se règle devant la justice.
La qualification juridique en France
Après avoir tenté d’utiliser la qualification criminelle d’empoisonnement, cette option a finalement été rejetée. Le 2 juillet 1998, la Cour de cassation a affirmé que l’empoisonnement doit être caractérisé par l’intention de tuer. Or, avoir des relations sexuelles non protégées en se sachant porteur du VIH ne relève pas de cette intention car les sécrétions sexuelles ne peuvent être légalement considérées comme une substance mortifère. Cet arrêt a depuis fait jurisprudence et permet en théorie de prévenir toute plainte pour empoisonnement à l’encontre des séropositifVEs.
Le 4 janvier 2005, la cour d’appel de Colmar a relancé le débat en condamnant un séropositif à six ans de prison pour administration d’une substance nuisible ayant entraîné une infirmité permanente. Désormais, même s’il y a plainte pour tentative d’homicide volontaire et mise en danger de la vie d’autrui, les tribunaux retiennent systématiquement l’infraction d’administration de substance nuisible de nature à entraîner une infirmité permanente, car l’intention de tuer n’est pas avérée.
La réponse à la transmission du VIH n’est pas juridique
Pour Act Up-Paris, la transmission du VIH lors de relations sexuelles et/ou d’usage de drogues n’est pas en soi une infraction ni une circonstance aggravante mais le résultat d’un acte. Et c’est de la qualification juridique des circonstances de cet acte que doit découler ou non une éventuelle condamnation : le sida est une maladie, pas une arme. En matière de transmission du VIH, nous reconnaissons à chaque personne le droit d’avoir recours à la justice. Pour autant, nous pensons que ce n’est pas une solution au drame d’une contamination, ni pour leLA plaignantE, ni pour la lutte contre le sida.
Le débat de justice est un danger pour les séropositifVEs
Rentrer dans cette judiciarisation reviendrait pour les séropositifVes à s’auto-criminaliser : les personnes voulant poursuivre en justice celle ou celui qu’elles suspectent de leur avoir transmis le virus deviendraient de facto, en tant que séropositifVEs, de futures coupables. On entrerait ainsi dans une chaîne de responsabilité infinie de victimes-coupables. C’est pourquoi il n’y a pour nous ni victimes, ni coupables, mais un virus à combattre.
Si l’objectif des procès est la reconnaissance d’un statut spécifique aux victimes et l’incitation par la voie de la peine à plus de responsabilité en matière de prévention, celui-ci nous semble vain et surtout dangereux.
Concernant le statut de victime, il n’apporte rien en termes de prise en charge sanitaire et sociale et revient à distinguer les séropositifVEs qui l’auraient « mérité » de ceux et celles qui auraient été contaminéEs « injustement ».
En termes de prévention, qui peut sincèrement croire que des personnes séropositives qui ont du mal à maintenir des comportements de prévention, qui ont du mal à dire leur statut sérologique parce que la stigmatisation est toujours forte, vont changer de comportement par peur de la prison ? Au contraire, la pénalisation risque d’inciter les gens à ne pas se faire dépister et de rendre l’annonce de sa séropositivité encore plus difficile.
Faire d’unE séropositifVE unE criminelLE potentielLE n’est pas pour nous une réponse aux insuffisances des politiques de Santé publique . En sus de bafouer le principe fondamental de responsabilité partagée, cela vient casser la solidarité entre les personnes séropositives. Le statut de « victime » ne saurait être une ici une arme politique (comme il peut l’être pour l’amiante par exemple) et vient au contraire dédouaner les pouvoirs publics de leurs responsabilités – qu’il s’agisse de prévention ou de prise en charge de la maladie. C’est le sens des affiches « Sida : prévenir, ne pas punir » que nous collons actuellement à l’occasion de ce 1er décembre : pour lutter contre l’épidémie, il faut davantage de prévention et pas de pénalisation.