Criminalisation dans le monde et discriminations des personnes séropositives
Il y a 33 millions de personnes séropositives dans le monde. La transmission du VIH est un processus en chaîne : faudrait-il mettre ces 33 millions de personnes en prison, pour que l’épidémie s’arrête ? Non, cela ne servirait à rien car la plupart des contaminations ont lieu alors même que les personnes ne sont pas encore dépistées.
Alors, pourquoi, dans de nombreux pays, des lois criminalisant la transmission sexuelle du VIH sont-elles en train de naître, des procès en train de se tenir, des personnes séropositives condamnées à des peines de prison pour avoir transmis le VIH ?
Il y a 20 ans, des lois ont été conçues pour protéger les personnes vivant avec le VIH. À présent, un peu partout dans le monde, ces lois ont été transformées et adaptées. Avec chaque fois la même conséquence : elles bafouent les droits humains fondamentaux des personnes séropositives et sont contre-productives en termes de santé publique.
C’est en Afrique australe et occidentale que la multiplication des lois criminalisant la transmission du VIH est la plus flagrante.
Au départ, ces lois avaient été conçues pour protéger et dédommager les femmes contaminées, à partir d’une loi type établie en 2004 à N’djamena au Tchad et pouvant s’adapter à toutes les législations existantes. Beaucoup d’États africains ont adapté cette loi-type à leur législation, sans aucun respect des droits humains, en renforçant l’homophobie, la stigmatisation, la discrimination et l’exclusion des personnes vivant avec le VIH.
Ces lois comportent souvent une obligation de divulguer son statut sérologique et un « devoir d’avertir » autrui, ainsi qu’une obligation aux tests VIH – notamment pour les femmes enceintes, mais également pour résoudre les litiges matrimoniaux. De ce fait, la transmission materno-foetale est devenue un délit dans plusieurs pays d’Afrique où, dès lors, des femmes ayant accouché d’enfants séropositifs peuvent se retrouver emprisonnées par une simple plainte déposée par la famille (Guinée, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sierra Leone).
Les veuves du Swaziland et du Botswana (États les plus touchés au monde par le VIH, avec une prévalence de 40 %) réclament des dommages et intérêts pour avoir été contaminées par leur mari. Mais, parce qu’elles ont révélé leur statut sérologique en portant plainte, elles se retrouvent à leur tour victimes de discriminations.
Aux États-unis et au Canada, plusieurs milliers de personnes sont accusées d’avoir transmis le VIH.
32 États américains comportent des lois spécifiques pouvant condamner les séropositifVEs pour transmission volontaire. Selon les États, on peut encourir la prison à perpétuité (Missouri) pour avoir transmis le VIH ou même, quand on est séropositif, être condamné à 35 ans de réclusion criminelle (Texas) pour avoir craché sur un policier – la salive étant alors considérée comme une arme.
Quelques États américains et le Canada vont encore plus loin : toute personne séropositive s’y voit dans l’obligation de divulguer son statut sérologique. Dissimuler ce statut y constitue un délit passible de plusieurs années d’emprisonnement.
Dans le sud-est asiatique, où l’épidémie flambe, il n’y a pas encore de judiciarisation de la transmission du VIH.
En Thaïlande, toutefois, quelques hommes étrangers qui pratiquaient le tourisme sexuel ont été accusés d’avoir transmis le VIH à plusieurs partenaires, puis ont été incarcérés.
En Europe, en fonction des États, la transmission du VIH est plus ou moins fortement pénalisée.
La Suède et la Suisse sont les plus extrémistes. En Grande-Bretagne, la pénalisation est associée au racisme. Des séropositifVEs ont été jugéEs, condamnéEs et jetéEs en prison en Pologne, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Russie et en France bien sûr aussi.
Aux quatre coins du monde donc, les pressions sur les législateurs sont très fortes pour répondre d’un point de vue législatif à la transmission du VIH. Or, la plupart du temps, ces réponses judiciaires ne sont pas adaptées, elles négligent ou bafouent les droits humains fondamentaux des personnes vivant avec le VIH et elles ne font que renforcer la stigmatisation et les discriminations dont sont victimes les malades. De surcroît, dans les pays criminalisant la transmission sexuelle du VIH, pas la moindre étude ne vient étayer une quelconque efficacité de ces procédures judiciaires en termes de réduction de l’épidémie.
C’est pourquoi la plupart des acteurs et actrices de la lutte contre le sida s’accordent sur le caractère contre-productif de la criminalisation de la transmission du VIH. En a encore attesté la pétition internationale qui a été lancée, à l’initiative notamment d’associations comme Act Up-Paris, lors de la conférence internationale sur le sida à Mexico, en août dernier