A l’occasion de la journée mondiale de lutte contre le sida, le 1er décembre prochain, Act Up-Paris appelle à manifester – place de la Bastille à 18h30 – derrière le mot d’ordre : « Sida : la crise a ses coupables ». Le VIH tue dans le monde 6000 personnes par jour. 15 000 personnes sont tuées quotidiennement par le sida, le paludisme et la tuberculose. Cette situation dramatique est avant tout liée aux promesses non tenues des leaders des pays riches, qui s’étaient engagés en 2005 à financer l’accès universel aux traitements contre le VIH, le paludisme et la tuberculose, pour 2010. Ces leaders politiques doivent rendre des comptes. Leur responsabilité est engagée, qu’elle soit politique, morale, éthique ou pénale. Et si nous sommes convaincuEs qu’un tribunal de l’Histoire jugera les Sarkozy, Brown, Obama et autres Berlusconi pour avoir laissé plus de 3 millions de personnes mourir chaque année alors que ces leaders pouvaient les sauver, nous sommes tout aussi convaincuEs que ce seul procès ne suffira pas. Et qu’il devient indispensable, pour que les politiques de lutte contre le sida dans le monde changent enfin, de juger de la responsabilité de ces leaders dans ce crime contre l’humanité défini en son temps par Jacques Chirac comme étant celui de « non-assistance à peuples en danger ».
Sommaire
- 1. Le sida : une pandémie politique qui a ses responsables
- 2. Accès universel aux traitements : les engagements non tenus
- 3. La situation du Fonds Mondial et les conséquences dans les pays
- 4. Les revendications
- 5. Un tribunal indispensable
1. Le sida : une pandémie politique qui a ses responsables
1.1. La volonté politique est payante La pandémie de sida n’est pas une fatalité. Elle n’est pas une catastrophe « naturelle » que rien ne pourrait endiguer. Elle est le résultat de facteurs sociaux, économiques et culturels dont beaucoup dépendent de choix politiques volontaires et conscients de la part des éluEs et des responsables de gouvernement. La preuve en est que des progrès sont possibles quand la volonté est là. De 2001 à 2007, par le biais notamment du Fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose, les pays riches n’ont cessé d’augmenter leur contribution financière pour combattre ces trois maladies. L’impact sur le VIH a été réel : en 2001, moins de 5 % de personnes séropositives bénéficiaient de traitements dans le monde et 10 000 personnes mouraient chaque jour du sida. En 2008, 27 % des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) ont accès à un traitement, et 6000 personnes meurent quotidiennement du sida. Mais ces progrès restent scandaleusement insuffisants. Les 6000 décès qui surviennent chaque jour seraient, pour la majorité, aujourd’hui évités si les leaders des pays riches avaient tenu leurs promesses d’assurer l’accès universel aux traitements pour 2010. Aujourd’hui, ce n’est pas un quart des PVVIH qui devraient être sous traitements, mais bien 100 % d’entre elles. 1.2. Le prétexte de la crise financière pour fuir ses responsabilités Depuis deux ans qu’ils ont, pour la majorité d’entre eux, gelé leur contribution au Fonds mondial et à la lutte contre le sida, les leaders des pays riches rejettent toute responsabilité. La faute en reviendrait à la crise financière. Act Up-Paris réfute cette explication, qui n’est qu’un mauvais alibi : – Le gel de la contribution française a été décidé par Nicolas Sarkozy à l’automne 2007, soit un an avant le déclenchement de la crise financière dans l’hexagone. Le choix français de ne pas augmenter le nombre de personnes sous traitements, de ne pas sauver plus de vies, a donc été pris avant toute crise financière. – D’une façon plus générale, la crise financière n’est pas une entité consciente qui imposerait aux responsables politiques leurs choix fiscaux et budgétaires. C’est par volonté politique que les pays riches ont consacré leurs efforts financiers à des plans de sauvetages des banques exorbitants, c’est leur choix d’avoir privilégié les premiers responsables de la crise financière, et les premiers profiteurs. Mais ce choix montre avant tout que de l’argent, les pays riches en ont. A l’automne 2008, la France débloque plus d’un milliard d’euro pour sauver les Caisses d’Epargne et les Banques populaires et engage un plan de cautionnement de 300 milliards d’euros. En avril 2009, les pays du G20 découvraient mille milliards de dollars pour un plan de relance de l’économie mondiale. Cette crise financière, que les pays riches ont contribué à déclencher, ne peut en aucun leur cas servir d’excuses pour fuir leurs responsabilités dans les crises sanitaires ou écologiques des pays pauvres. Dans le cas du sida, à peine 0,2 % du plan de sauvetage des banques prévu par le G20 pourrait permettre au Fonds Mondial de surmonter sa crise actuelle (voir section 3). Sarkozy, Merkel, Obama sont pleinement responsables de l’usage qu’ils et elles ont fait de ces 0,2 %, au lieu de les utiliser pour sauver des vies.2. Accès universel aux traitements : les engagements non tenus
2.1. L’augmentation de la contribution financière a) Les promesses des pays du G8 et les faits La promesse : les pays du G8 se sont clairement engagés pour l’accès universel aux traitements contre le sida, la tuberculose et le paludisme pour 2010. Cela signifie que 100% des personnes concernées qui en ont besoin aient un accès effectif aux médicaments. Les faits : en ce qui concerne le VIH, à un mois de l’échéance, à peine un quart des séropositifVEs qui en ont besoin ont accès aux traitements. Cet accès concerne quasi-exclusivement des médicaments de première génération, plus toxiques que les nouveaux traitements, et pour lesquels les personnes développent rapidement des résistances. b) Les promesses de la France et les faits Les promesses : Nicolas Sarkozy a assumé l’engagement pris par son prédécesseur en 2005 d’assurer l’accès universel aux traitements, ce qui impliquait une augmentation de la contribution française. Lors de sa conférence de presse, au sommet du G8 de 2007 à Heiligendamm, il affirmait : « Quant à la France, elle va consacrer un milliard de dollars par an à la santé en Afrique. ». Un an plus tard, lors du sommet du G8 2008, il s’engageait même à donner plus : « Je peux vous dire que, rien que sur la santé, nous dépenserons en 2008 un milliard 400 millions de dollars, c’est-à-dire un peu plus que les engagements que nous avons pris. Nous avons convenu, plutôt que de faire de nouvelles promesses, qu’il fallait respecter scrupuleusement les engagements que nous avions pris. » Les faits : dès sa première année de mandat, Nicolas Sarkozy, par l’intermédiaire du ministre du budget Eric Woerth, cherchait à diminuer la contribution de la France au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Seules les pressions associatives l’ont fait reculer. On est loin de la détermination affichée par Nicolas Sarkozy. De fait, en 2008, au lieu de un milliard 400 millions de dollars promis, la France aura déboursé seulement 270 millions d’euros, soit 400 millions de dollars, un milliard en moins que ce que Nicolas Sarkozy avait promis. c) Les engagements des pays d’Afrique, bloqués par le FMI La promesse : les Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’OUA réunis à Abuja en avril 2001 avaient rédigé une déclaration dans laquelle on pouvait lire : « NOUS NOUS ENGAGEONS à fixer un objectif de 15% au moins de notre budget annuel à allouer à l’amélioration du secteur de la santé. »[[voir la déclaration d’Abuja ]] Les faits : Cette promesse budgétaire n’a pas été tenue. La raison principale, pointée par 150 ONG en avril 2009[[voir https://www.actupparis.org/IMG/pdf/Demande_des_ONG_au_FMI_DSK.pdf ]], en est que le Fonds monétaire international (FMI) impose aux pays bénéficiaires de son aide des conditions qui rendent impossible l’augmentation des budgets en éducation et en santé, indispensable pour assurer prévention, dépistage et soins. Dominique Strauss-Kahn, soutenu par les pays riches qui disposent d’une représentation exorbitante au CA du FMI, refuse de modifier ces conditions, empêchant par là-même la tenue des promesses d’Abuja. La corruption et le détournement de l’argent sont aussi une réalité, dénoncée par les activistes[[Voir par exemple la campagne « Lords of the Bling » ]] et combattue par le Fonds mondial[[Lire par exemple le communiqué du Fonds sur la suspension de la subvention à la Mauritanie. L’aide bilatérale française n’a jamais publié de tel communiqué. ]]. Les responsables des pays riches prennent souvent cette situation comme prétexte pour ne pas augmenter leur aide. Mais que font-ils réellement pour combattre corruption et détournement ? Soutiennent-ils les activistes sur place ? Au contraire, un pays comme la France soutient des leaders d’Afrique qui entretiennent sciemment un système de gabegie. Prendre comme alibi une réalité qu’on encourage, et dont on profite, n’est pas le moindre des scandales dans l’attitude actuelle des pays riches. 2.2. Des financements innovants Faute d’une augmentation des contributions, une autre possibilité pour assurer l’accès universel aux traitements est de créer, par une fiscalité innovante, des ressources supplémentaires affectées aux questions de santé, et notamment à la lutte contre le VIH. a) Une taxe sur les transactions monétaires : un engagement retardé Le 28 mai 2009, le ministre des Affaires étrangères s’engageait devant les associations à travailler à la mise en place d’une taxe sur les transactions de change dont les revenus seraient reversés à l’aide en santé. Malgré un rapport favorable des expertEs de Bercy, Christine Lagarde refusait l’idée. Il aura fallu attendre l’arbitrage favorable du Président de la République, lors du sommet du G20 à Pittsburgh début novembre. La France aura donc perdu 5 mois à prendre position, 5 mois qui n’ont pas été utilisés pour négocier avec d’autres pays la mise en place effective de cette taxe. 930 000 personnes sont mortes du sida pendant ces 5 mois. b) Strauss-Kahn, responsable, coupable Peu après le sommet de Pittsburgh, où la France avait été rejointe par la Grande-Bretagne de Gordon Brown pour promouvoir la micro-taxe, le directeur du FMI, Dominique Strauss-Kahn, faisait savoir son opposition à la mise en place de cette micro-taxe, trahissant une fois de plus les malades. Outre que cette position invalide totalement sa probable candidature aux présidentielles de 2012 comme homme « de gauche », Dominique Strauss-Kahn offre ainsi à Nicolas Sarkozy, qui l’a désigné candidat à la tête du FMI, un prétexte pour ne pas avancer dans la mise en place de ce financement innovant. c) Les menaces sur UNITAID décrédibilisent les efforts pour mettre en place des financements innovants Créé en juin 2006 pour utiliser les ressources issues de la taxe sur les billets d’avions, mise en place par certains pays comme la France, UNITAID est un exemple de ce à quoi peut aboutir un financement innovant bien pensé. La structure consacre ainsi ses ressources à faire baisser les prix des traitements par l’achat de génériques. Mais, à peine trois ans après sa création, ce financement innovant est menacé. Un décret, exigé par Nicolas Sarkozy, doit être signé, qui prélèverait l’argent issu de la taxe pour l’affecter à l’aide bilatérale. Alors même que la France s’engage à promouvoir un financement innovant pour l’accès aux traitements, elle montrerait ainsi publiquement que ces financements innovants peuvent être répartis différemment dans un délai très court. C’est toute la démarche de mise en place de la micro-taxe qui se trouve ainsi décrédibilisée. 2.3. La promotion des génériques Le prix exorbitant, fixé par l’industrie pharmaceutique de marque, est, avec le manque de financement des pays riches, l’obstacle principal à l’accès effectif aux traitements. A cet égard, les responsables des laboratoires, qui abusent de la position de monopole que leur donnent les accords internationaux sur la propriété intellectuelle, sont aussi responsables que les leaders du G8 dans l’hécatombe qui touche les personnes vivant avec le VIH. a) L’engagement pris à Doha Pour créer une concurrence et faire baisser les prix, les Etats membres de l’Organisation mondiale du commerce, réunis en 2001 à Doha, avaient signé une déclaration dans laquelle ils soutenaient les flexibilités prévues par les accords TRIPS sur les brevets. Parmi ces flexibilités, la licence obligatoire permet à un pays confronté à une crise aussi grave que le sida de casser les brevets pour produire ou importer des génériques, beaucoup moins chers. Les pays riches utilisent régulièrement la licence obligatoire dans le domaine de l’électronique ou de l’informatique pour favoriser les entreprises nationales. Cette déclaration les engageait à favoriser les pays pauvres à utiliser le même procédé pour sauver des vies. b) Au lieu d’un soutien aux génériques : de la rétorsion contre ceux qui les utilisent La déclaration de Doha n’a pas été suivie. Les pays concernés n’ont pas utilisé les flexibilités offertes par les accords internationaux. Les rares à s’y être risqués ont été menacés de mesure de rétorsion économique par les pays riches, qui se comportent en véritable VRP des industriels du médicament de marque. Ce fut le cas notamment de la Thaïlande, qui, pour avoir émis des licences obligatoires sur trois médicaments, s’est vue sanctionner par le laboratoire Abbott[[ Lire la chronologie de l’affaire à la fin de cet article. L’ensemble du dossier Abbott ]], mais aussi par la Commission européenne. Ce que les pays riches font pour promouvoir leur industrie, ils le refusent donc aux pays pauvres qui veulent sauver les vies de leurs malades. c) Kouchner et Sarkozy ont peur de l’industrie pharmaceutique Depuis deux ans, nous demandons à Nicolas Sarkozy et Bernard Kouchner de proposer une réunion de chefs d’Etat africains, qui aboutirait à une émission commune de licences obligatoires, afin de résister collectivement, et avec le soutien de la France, aux pressions qui sont exercées dans ce cas. Le 29 mai dernier, Bernard Kouchner rejetait cette proposition, et, implicitement, toute tentative de promouvoir les génériques, sous le prétexte qu’il ne fallait pas rentrer dans un conflit avec l’industrie pharmaceutique. C’est donc bien par lâcheté que la France renonce à tenir les engagements pris à Doha.3. La situation du Fonds Mondial et les conséquences dans les pays
3.1. Le Fonds mondial privé de moyens a) Des coupes en 2008 Dès le CA du Fonds mondial de 2008, sous la pression des représentantEs des pays riches, des coupes ont été opérées dans les programmes, dans le seul but de laisser croire qu’il restait de l’argent dans les caisses, et que les pays du G8 n’avaient pas à augmenter leur contribution. Les représentantEs des ONG ont voté contre, mais cela n’a pas suffi. Des coupes ont donc été réalisées sur l’ensemble des projets financés, représentent 10 % sur les phases 1 (deux premières années de financement des programmes) et de 25 % sur les phases 2 (trois dernières années de financements des projets). C’est donc pour laisser croire que les besoins n’augmentaient pas, et non parce que les projets étaient de moins bonne qualité, que ces coupes ont été opérées. Au même moment, des centaines de milliards étaient débloqués par les mêmes pays pour sauver les bénéfices des traders. b) Le sacrifice des réserves en 2009 Jusqu’en 2008, les règles de trésorerie étaient très strictes : pour financer un projet, il fallait qu’il y ait suffisamment d’argent en caisse pour couvrir un certain nombre d’années. En prévision du surplus de demandes pour le Round 9 de cette année, le Fonds mondial a assoupli ces règles. Il s’agit, ni plus ni moins, de grever l’avenir pour faire croire que la structure a assez d’argent. Dans le même temps, le CA 2009, qui s’est tenu à Addis Abeba, opérait une nouvelle fois des coupes de 10 % sur tous les projets qui lui ont été soumis lors de ce round, une fois de plus non pas à cause de la qualité des projets, mais uniquement pour sauver les apparences. c) Aucun round en 2010 ? Il n’est toujours pas assuré qu’un round ait lieu en 2010. En effet, les représentantEs des pays riches au CA du Fonds ont estimé que ne pas lancer d’appel d’offres une année est un bon moyen d’économiser…, donc de laisser croire que les besoins ne sont pas si importants. Les négociations s’avèrent difficiles, les pays riches exerçant des pressions pour s’assurer qu’ils n’auront pas à augmenter leur contribution. En fait, les pays riches espèrent que les pays pauvres, face à l’incertitude des financements, renoncent à déposer une demande pour le round 10. Ils pourraient ainsi dire que le Fonds mondial ne manque pas d’argent, et qu’il est justifié d’espacer les rounds ! Au contraire, les pays pauvres doivent donc dédoubler leurs demandes au round 10, afin de renforcer la pression sur la conférence de reconstitution de septembre 2010. L’absence de Round 10 signifierait que les pays recalés cette année devraient attendre au moins deux ans pour espérer obtenir de nouveaux financements. Entre-temps, le Fonds mondial ne financerait plus que les programmes d’ARV existants. Pendant deux ans, il ne financerait donc plus d’actions de prévention, ou de nouvelles inclusions de personnes sous thérapie. 3.2. Les conséquences dans les pays Tout au long de la semaine, Act Up-Paris fera par voie de presse un focus sur un pays (Cameroun, Burkina, RDC, etc.) ou sur une situation précise (pénurie, accès aux médicaments de deuxième génération).4. Les revendications
Nous demandons tout simplement que les promesses soient tenues. 4.1. Respect des engagements financiers Les pays riches doivent tenir les promesses qu’ils ont faites lors du sommet du G8 de 2005. Dans l’immédiat, seulement 0,2 % du plan de sauvetage des banques de 2008-2009 suffirait pour que le Fonds mondial assure les financements de tous les projets qui lui ont été soumis. A termes, la France doit consacrer 1 milliard de dollars à l’aide à la santé, et augmenter sa contribution au Fonds mondial comme Nicolas Sarkozy s’y est engagé à maintes reprises. 4.2. Taxe sur les transactions de change La France et la Grande-Bretagne doivent promouvoir l’idée d’une transaction de change, dénoncer publiquement Dominique Strauss-Kahn qui s’y est opposé et donner l’exemple en la mettant en place, sans attendre l’issue de négociations avec leurs homologues du G20. Cela est techniquement possible, contrairement à ce qu’affirment les opposantEs à cette taxe[[Lire le point 4 de notre argumentaire ]]. 4.3. Brevets et prix des médicaments La France doit soutenir les pays qui émettent des licences obligatoires pour assurer l’accès aux soins de leurs malades. L’Équateur, qui vient d’utiliser cette flexibilité légale, doit être défendu contre les probables mesures de rétorsion que ce pays va devoir affronter. Enfin, la France doit s’engager à promouvoir cette mesure auprès des pays pauvres.5. Un tribunal indispensable
5.1. Les dirigeantEs politiques n’assument pas leurs responsabilités Lors d’une discussion informelle avec une militante d’Act Up-Paris qui lui évoquait les engagements financiers pris par Nicolas Sarkozy, l’ambassadeur français chargé de la lutte contre le VIH/sida, Patrice Debré, répondait : « les promesses n’engagent que les personnes qui y croient. ». Ce qui est faux. En la matière, les promesses non-tenues n’engagent pas, elles tuent. Les propos de Patrice Debré ont beau relever des pires clichés, ils n’en sont pas moins révélateurs du cynisme politique de nos dirigeantEs, dès qu’il s’agit de la vie ou de la mort de millions d’AfricainEs, de Sud-AméricainEs ou d’Asiatiques. Les leaders politiques refusent pour la plupart d’assumer leurs responsabilités, alors qu’ils prennent des décisions politiques en pleine connaissance de cause, éclairéEs par la société civile internationale, et notamment les associations de lutte contre le sida. 5.2. Responsabilités morales, politiques et pénales : complicité d’une hécatombe Lorsque vous refusez de sauver la vie d’une personne alors que vous le pouvez, vous devenez complice de sa mort. Cette responsabilité est morale, autant que pénale. Pourquoi n’en serait-il pas de même lorsque vous êtes leader politique ? Uniquement parce que vous faites tout pour masquer votre responsabilité en la matière, que vous manipulez les budgets de l’aide publique au développement pour faire croire à un accroissement de votre aide, qui diminue en réalité, que vous nommez une personnalité connue comme ambassadrice pour masquer vos propres promesses trahies ?Nicolas Sarkozy peut sauver des vies. Il ne le fait pas, en toute connaissance de cause. Il est complice d’une hécatombe qui tue 6000 personnes par jour. Il en va de même de l’ensemble des leaders des pays du G8. C’est pourquoi Act Up-Paris réclame l’instauration d’un tribunal pour juger de la responsabilité pénale des leaders des pays riches, pour leur complicité dans les 6000 morts que fait le sida chaque jour. 5.3. Un crime raciste Ce tribunal devra par ailleurs envisager une circonstance aggravante. Le crime dont se rendent coupables Sarkozy et consorts est un crime raciste. Une épidémie tuerait, ou même menacerait de tuer, chaque jour des milliers de Blancs des pays riches, le G8 mobiliserait tous les moyens possibles pour l’endiguer. Nicolas Sarkozy n’irait pas prétexter la crise économique. Il n’irait pas dire que la France en fait déjà beaucoup alors que des milliers de personnes meurent. Il ne tergiverserait pas pour mettre en place des financements innovants si le besoin s’en faisait sentir. Aucun autre leader du G8 ne se le permettrait.
Le sida, le paludisme et la tuberculose tuent 15 000 personnes par jour. Mais ces personnes ne sont pas majoritairement blanches et elles vivent principalement au Sud. Nicolas Sarkozy peut donc se permettre de dire, comme il l’a fait lors du rendez-vous à l’Elysée avec les ONG, le mercredi 16 septembre, qu’il n’augmentera pas la contribution française au Fonds mondial. Il peut se contenter de vagues paroles, et non de réels engagements, sur les financements innovants. Il peut faire croire qu’un « triplement de volontaires » peut tenir lieu de politique de développement. Car ce n’est pas la vie de BlancHEs qui est majoritairement en jeu. Le racisme est ici patent. L’histoire de la lutte contre le sida en Afrique, et dans les pays du Sud, est une histoire de la lâcheté et du renoncement. Les gouvernants des pays riches auront attendu les années 2000 pour commencer à payer des traitements dans les pays pauvres. Ils rompent aujourd’hui leurs promesses, diminuent leurs efforts financiers, et remettent en cause les progrès des dernières années. Ils ne peuvent pas ignorer que leur décision va tuer. Il s’agit bien d’un crime de masse, conscient, assumé. Si rien n’est fait pour que nos dirigeantEs assument leurs responsabilités, le pire arrivera. Et dans dix, vingt, trente ans, de nouveauxLLES dirigeantEs des pays riches présenteront leurs excuses à l’Afrique et aux autres continents dévastés par leur politique. Ce sera sincère, beau et émouvant. Les discours seront prononcés par un groupe de huit personnes. Elles seront en costume ou en tailleur élégant. Elles parleront face à un cimetière de 30 206 704 km carré, où l’on comptera plus d’un milliard de tombes.