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La 18e Conférence sur les Rétrovirus et les Infections Opportunistes (CROI) s’est tenue à Boston du 27 février au 2 mars 2011. Parmi les grands thèmes de cette conférence américaine, la prévention biomédicale s’est taillée la part du lion, incluant même une session entière consacrée aux résultats de l’essai de prophylaxie pré-exposition iPrEX. Mais c’est un autre sujet fort que nous avons choisi d’aborder en priorité dans Protocoles, celui concernant les nouveaux traitements de l’hépatite C, notamment pour les personnes co-infectées VHC et VIH.

Cette année, la CROI a fait place à de nombreuses sessions consacrées à l’hépatite C. Rien d’étonnant à cela quand on connaît le nombre de nouvelles molécules anti-VHC (virus de l’hépatite C) à l’essai, parmi lesquelles, deux inhibiteurs de protéase, le bocéprevir et le telaprevir. Ces molécules inhibent la protéase appelée NS3 du VHC, nécessaire pour qu’il se reproduise dans l’organisme. Des résultats d’études portant sur des personnes mono infectées VHC ont été annoncés ; côté personnes co-infectées VIH/VHC, on doit se contenter de très peu de données.

focus sur le développement des bocéprévir et telaprevir

Entre la découverte et la mise sur la marché, une molécule peut passer entre les mains de nombreux laboratoires, d’où les attributions variées que l’on peut noter pour ces deux molécules. Voici une tentative de résumé. Le bocéprevir (nom commercial américain Victrelis®) est une molécule issue de Schering-Plough et développée par les laboratoires Merck qui ont racheté Schering-Plough en 2009. Le telaprevir (nom commercial Incivo®) est une molécule identifiée initialement par Vertex Pharmaceuticals Inc. en collaboration avec Eli Lilly and co. (collaboration terminée, mais permettant à Lilly de toucher des royalties) ; elle est développée par Vertex conjointement avec Tibotec (acheté en 2002 par Johnson and Johnson qui a aussi acheté Janssen Pharmaceutica en 1961, d’où l’association du telaprevir avec Janssen) ; Tibotec pourra commercialiser le telaprevir en Europe, Amérique latine, Moyen-Orient, Afrique, Inde, Australie et Nouvelle-Zélande, Vertex aux Etats-Unis, Canada et Mexique et Mitsubishi Tanabe Pharma au Japon et dans certains pays orientaux, selon les termes d’une autre collaboration mise en place par Vertex.

Environ 170 millions de personnes dans le monde sont porteuses d’une hépatite C chronique. On en compte 4 millions aux Etats-Unis et l’on estime que 35 % d’entre elles sont co-infectées VIH/VHC. La co-infection VIH/VHC a pour conséquence une accélération et aggravation de l’hépatite C pouvant entraîner cirrhose et cancer du foie. On dispose de peu de données concernant les personnes co-infectées VIH/VHC, celles-ci étant sous représentées dans la recherche clinique. Pourtant, pour pouvoir tester de nouvelles options et stratégies thérapeutiques et mieux traiter les personnes co-infectées, et au regard de l’urgence, il ne fait aucun doute que les personnes co-infectées devraient être d’avantage inclues dans les essais cliniques, et ce, dès la phase II.

Traitement actuel anti-VHC

Le traitement actuellement utilisé pour l’hépatite C est une association de l’interféron pégylé (peg-interféron) et de la ribavirine. Cette bithérapie est d’efficacité variable, limitée et les effets indésirables sont nombreux. La réponse au traitement et sa durée sont variables selon le génotype (6 sont répertoriés). Ainsi pour les génotypes 2 et 3, meilleurs répondeurs, la durée de traitement est de 24 semaines tandis que pour les génotypes 1, elle est de 48 semaines.

Nouvelles molécules associées à la bithérapie peg-interféron et ribavirine

Les nouvelles molécules dont des résultats avancés ont été présentés sont le bocéprevir et le telaprevir, des inhibiteurs de protéase. Les études ont été réalisées sur des personnes mono-infectées VHC de génotype 1, d’une part sur des malades naïfVEs de traitements, d’autre part sur des personnes en rechute ou ne répondant pas. L’objectif est de savoir, dans les deux cas, si la bithérapie standard (peg-interféron et ribavirine) associée à l’une des molécules se révèle plus efficace que le traitement actuellement utilisé.

Bocéprevir, les résultats finaux de SPRINT 2 et RESPOND 2 chez les mono-infectéEs

Les études SPRINT 2 et RESPOND 2 portaient sur la nouvelle molécule de Merck, le bocéprevir, associée au traitement standard anti-VHC. L’une porte sur les personnes mono-infectées VHC, de génotype 1, naïfs de traitement, l’autre sur des mono-infectéEs VHC, de génotype 1, déjà traitéEs, ne répondant pas ou en rechute. Le design des deux études est similaire. Elles portent sur une durée de 48 semaines, avec une répartition en trois groupes qui reçoivent tous, pendant une première période, dite d’induction, le traitement standard pendant 4 semaines (peg-interféron + ribavirine), puis :

– pour le groupe dit contrôle qui est le bras témoin, la bithérapie standard associée à un placebo (au lieu du bocéprevir) pendant 44 semaines ;

– pour le premier groupe expérimental, la bithérapie standard associée au bocéprevir pendant 44 semaines ;

– pour le second groupe expérimental, la bithérapie standard associée au bocéprevir pendant 24 semaines, puis, pour celles qui sont indétectables pour le VHC (au niveau de l’ARN) à 8 semaines, un arrêt du traitement à 28 semaines avec suivi jusqu’aux 48 semaines et, pour celles avec un ARN VHC détectable à 8 semaines, un traitement pour encore 20 semaines avec le traitement standard et un placebo au lieu du bocéprevir).

Dans la longue liste des effets indésirables (fatigue, maux de tête, nausée, etc.), l’anémie et la dysgueusie (altération du goût) sont les effets qui sont les plus fréquents dans le traitement associé au bocéprevir. Les résultats présentés dans les deux études montrent que le bocéprevir associé au traitement standard (peg-interféron et ribavirine), augmente significativement la possibilité de « guérison ».

Telaprevir pour les co-infectéEs VIH/VHC, les premières données

Des données intermédiaires de phase 2a de l’étude 110 associant telaprevir, peg-interféron et ribavirine ont été présentées. Pour le telaprevir, on dispose déjà des données d’étude réalisées sur des personnes mono-infectées naïves de traitement (l’étude ADVANCE), et déjà traitées (l’étude REALIZE) qui, comme pour le boceprevir de Merck, dans les deux cas, concluent à un bénéfice certain de l’association de la bithérapie standard à la nouvelle molécule. Côté effets indésirables, le telaprevir se singularise de sa molécule rivale, le bocéprevir, en ajoutant aux effets indésirables l’apparition de rash.[[Eruption cutanée de courte durée; dans l’étude ADVANCE, il y avait 7% de rash sévère.]]

Le design de l’étude 110 avec le telaprevir est le suivant : un groupe sans antirétroviraux, l’autre groupe avec en tout 60 personnes naïves de traitement VHC, en majorité des hommes (environ 80 %). Il y avait 46 personnes recevant des antirétroviraux.[[Efavirenz (EFV) / ténofovir (TDF) / emtracitabine (FTC) (Truvada), atazanavir /r (ATV/r) / ténofovir /
emtracitabine ou lamivudine (3TC).]] Dans chaque groupe, avec et sans antirétroviraux, il y avait un bras de contrôle avec la bithérapie classique peg-interféron et ribavirine. Les objectifs principaux de cette étude étaient d’obtenir des données de tolérance et de connaître, à 12 semaines, la proportion de personnes qui, après avoir reçu la combinaison telaprevir, peg-interféron et ribavirine, avaient un ARN VHC indétectable.

A la 12ème semaine, la proportion de personnes avec un ARN VHC indétectable est de 68% avec le telaprevir et de 14 % avec la bithérapie standard – plus spécifiquement, de 75 % sous EFV / TDF / FTC, de 57 % sous ATV/r + TDF + FTC ou 3TC et de 71 % sans antirétroviraux. Il n’y a pas de changements significatifs observés sur la charge virale et le taux de CD4 avec les personnes sous telaprevir, peg-interféron et ribavirine.

Comme pour les études connues pour les personnes mono-infectées, on peut dire que l’efficacité de ce traitement est supérieure à celle que l’on obtient avec le traitement anti-VHC standard. Ces premiers résultats à 12 semaines semblent encourageants en termes d’efficacité, mais intensifient, ou du moins, ne réduisent en rien les effets indésirables connus avec le traitement classique, parmi lesquels maux de tête, fatigue, nausée, anémie ; à cela s’ajoute un pourcentage de rash inquiétant.

Nouvelles perspectives de recherche

De nouvelles perspectives de recherche émergent : en début de conférence, lors de la session des jeunes investigateurs/trices, l’accent a été mis sur le gène IL28 B et son rôle dans une possible suppression de la réplication du virus de l’hépatite C.

Un gène qui permettrait de mieux identifier pour mieux traiter… Option thérapeutique intéressante, si celle-ci ne se transforme pas en critère d’inclusion discriminatoire pour l’entrée dans les essais cliniques, limitant davantage le profil des personnes souhaitant participer à la recherche anti-VHC.

Pour conclure

En guise de commentaire général sur ces recherches, retenons cette question de la salle à un des présentateurs/trices : « Comptez-vous faire plus d’études chez les personnes co-infectées ? » Réponse de l’intéressé : « Il nous faut du temps, des données de tolérance et de sécurité ». Laconique, le questionneur ajoute alors : « le temps tue » …