Demain, vendredi 26 août 2011, s’ouvre en Corée du Sud la 10ème conférence sur le sida dans la région Asie-Pacifique. Selon ONUSIDA, en 2009, la région compte 4,9 millions de personnes vivant avec le VIH, dont une part non-négligeable qui sont co-infectées par le virus de l’hépatite C[[Il est difficile d’avoir des chiffres réellement représentatifs de la prévalance à hépatite C dans la mesure où les tests de dépistages sont très peu disponibles, notamment compte tenu de leur coût et du monopole du laboratoire Roche dessus]], ce qui en fait la région la plus affectée au monde après l’Afrique.
Le nombre de nouvelles infections continue d’être plus important que le nombre de nouvelles mises sous traitement (environ 360000 chaque année). Ce qui signifie que malgré les résultats obtenus et les vies sauvées, les pandémies de VIH et de VHC continuent à gagner du terrain. La conférence qui s’ouvre ce vendredi à Busan doit permettre aux acteurs des différents pays de faire un bilan des progrès réalisés mais aussi d’identifier les enjeux majeurs pour atteindre les objectifs d’accès universel aux traitements et de “zéro nouvelle infection”. Malheureusement, les principaux obstacles pour inverser la courbe sont aujourd’hui connus de tous : un manque criant de financements et un front anti-génériques décomplexé mené depuis plusieurs années par l’Union Européenne et les Etats-Unis, par l’intermédiaire d’accords bilétaraux ou multilatéraux. Un front anti-génériques généralisé et décomplexé Les Etats-Unis et l’Union Européenne mènent actuellement une politique extrêmement aggressive dans le but de favoriser leur industrie du médicament, qui menacera l’accès aux médicaments pour les populations. Les Etats-Unis ont notamment été parmis les meneurs des négociations de l’accord sur la contrefaçon ACTA aux côtés de l’Union Européenne et négocient entre autres aujourd’hui l’accord trans-pacifique (TPP) avec des pays d’Asie de l’est[[Ainsi que d’autres accords commerciaux bilatéraux]]. L’Union Européenne, quant à elle, a également fortement contribué à ce durcissement et négocie actuellement un accord avec le premier pays producteur de médicaments générique : l’Inde. L’UE a également lancé des négociations avec les pays de la région ASEAN, la région MERCOSUR, et des pays est-africains comme l’Ouganda. Il y a dix ans, les pays membres de l’OMC se mettaient d’accord autour de la déclaration de Doha, qui permettait sur le papier à tous les pays qui en exprimaient le besoin de contourner les brevets et de produire des génériques à bas coût. Dix ans après le constat ne fait pas débat : ces flexibilités n’ont pas permis de garantir l’accès aux traitements pour tous dans les pays pauvres. Pire, désormais, les pays riches cherchent même à revenir bilatéralement ou multilatéralement sur les flexibilités des TRIPS, à les durcir en négociant, pays par pays, des accords restreignant l’usage de ces flexibilités et à augmenter les standards de propriété intellectuelle de l’OMC. La plupart de ces accords sont menés sans aucune consultation au niveau national, et dans de nombreux pays, des enjeux électoralistes priment sur les enjeux de santé publique[[Par exemple, si la Thaïlande signe un accord avec l’UE, il sera plus intéressant pour le pays d’importer des spiritueux. Il peut donc s’avérer plus intéressant pour un gouvernement de signer un accord avec l’UE pour des raisons populistes que de garantir l’accès aux produits de santé]]. En France, le gouvernement français continue de refuser à prendre réellement position par rapport à cette situation, ce qui masque difficilement des conflits d’intérêts avec son industrie pharmaceutique et des rapports privilégiés avec Sanofi-Aventis. “Payer maintenant, ou payer pour toujours” Les pays membres des Nations-Unies se sont engagés lors d’une session spéciale sur le VIH en juin dernier à New York à ce que 15 millions de personnes aient accès aux traitements d’ici 2015. Pour atteindre ces objectifs, les pays doivent aujourd’hui mettre en place un plan d’action crédible, comportant notamment l’arrêt de tous les accords qui nuisent à l’accès aux médicaments et une augmentation conséquente des contributions financières allouées à la lutte. Repousser le problème à demain, n’aboutira qu’à alourdir la note, alors que mener une politique cohérente aujourd’hui permettrait d’investir et, sous quatre ans, d’espérer voir la courbe de l’épidémie pour la première fois de l’histoire inversée, puis, les contributions financières faites par les pays commencer à baisser. A l’occasion de la conférence en Corée du Sud sur le sida dans la région Asie-Pacifique, les pays occidentaux doivent mettre un terme à leur politique aggressive vis-à-vis des pays en développement, politique facile en cette période d’austérité mais inefficace et criminelle pour des centaines de millions de personnes dont l’accès aux soins est aujourd’hui plus que jamais menacé. Act Up-Paris demande la mise en place d’un plan d’action crédible de la part des pays du Nord et notamment : – L’organisation d’une conférence de reconstitution des fonds du Fonds Mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme de manière anticipée, dès le début de l’année de 2012, et un triplement de la contribution française au Fonds Mondial ; – Une augmentation des contributions financières au Fonds Mondial de manière à continuer les nouvelles mises sous traitements et l’accès à la prévention, et à revenir sur les critères d’éligibilité de 2011 qui excluent de nombreux pays des financements du Fonds Mondial. Act Up-Paris demande toujours à la Commission Européenne et à Karel De Gucht (commissaire européen au commerce) de stopper les accords commerciaux négociés par l’UE qui mettent en danger des millions de vies, et exige toujours du gouvernement français : – Qu’il organise une réunion inter-ministérielle (RIM) pour aborder la question des conséquences et de la légitimité des accords négociés par l’UE, conformément à ce que Nicolas Sarkozy avait demandé lors d’une réunion le 7 avril dernier avec les ONG ; – Un rappel à l’ordre immédiat de la commission européenne sur son mandat.