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Jeudi 24 mai 2012, deuxième volet quotidien des trois militantEs d’Act Up-Paris à l’ISHEID; deuxième jour de conférence sans déclaration d’intérêt pourtant obligatoires depuis 2007. Cela voudrait-il dire qu’il ne faut pas déclarer les conflits pour avoir la paix dans les débats ?

Retrouvez aussi la chronique du Mercredi 23 Mai
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  • Cette journée a débuté par une session sur l’éradication du VIH, où parmi les communications, Carine Van Lint du Gosselies Campus de Charleroi en Belgique a listé les éléments qui participent à la répression de la transcription du VIH-1 et a défendu l’idée qu’un accroissement des connaissances sur les mécanismes épigénétiques et non-épigénétiques régulant la latence du VIH-1 devrait pouvoir induire de nouvelles stratégies pour éliminer l’infection latente ou réduire le phénomène de latence au point qu’il devienne contrôlable par le système immunitaire.
  • Mario Stevenson de l’université de Miami a quant à lui fait part de données issues de l’observation des dynamiques du VIH-1 dans les tissus de réservoirs viraux et de la réponse virologique dans les tissus lymphoïdes. Il en résulte que la faible « séquestration » d’antirétroviraux dans les cellules des tissus lymphoïdes limite leur effet.
  • Traiter depuis le début ? C’est sur cette question que portait l’intervention présentée par Jean-Pierre Routy. C’est un revirement par rapport aux deux dernières décennies, qui ont vu les recommandations de prise en charge thérapeutique passer d’une logique de traitements lourds lorsque les CD4 atteignaient un taux critique, à une logique de traitement précoce, dès le début de l’infection « as soon the patient is ready », avec l’idée qu’un traitement démarré tardivement, ou avec un taux de CD4 trop bas ne permet pas au patient de régénérer son immunité.
  • Mais pour autant, si cette mise sous traitement réduit les risques de transmission, elle induit plusieurs interrogations, sur leur toxicité sur le long terme qu’on ne connait pas forcément, sur l’apparition d’éventuelles résistances, sur l’observance du traitement, ou sur le nadir.

    Ce dernier constitue la valeur minimale enregistrée dans l’évolution de la charge des CD4. Il semble que lorsque celui-ci est faible au moment d’une mise sous traitement, la durée pour reconstituer un stock de CD4 sera plus longue. Au contraire, traiter dès le stade de la primo-infection va influer sur la reconstitution de l’immunité et sur la taille du réservoir viral.
  • Une session « human rights and access to HIV care » achevait la matinée de ce jeudi. On regrette que l’intitulé soit traduit « droits de l’homme » et non droits humains.
  • Au cours de cette journée on parle d’éradication du sida, de perspective de guérison. On se sent parfois plus proche de la science fiction que des réalités que l’on connaît dans les pays qui n’ont toujours pas accès aux traitements déjà existants qui, s’ils ne permettent pas d’éradiquer le virus du sida, permettent d’y survivre. Et pour le moment, rappelons que l’on en est là. Yves Souteyrand nous dit que financeurs et donateurs doivent remplir leurs engagements. On aimerait qu’il soit plus précis ou du moins qu’il désigne des responsables politiques. Les personnes que l’on laisse mourir sont réduites à des chiffres, pourcentages et slides des conférences sida.
  • On aurait aimé que les facteurs tels que pénalisation de l’homophobie, répression des usagers de drogues, sexworkers ne soient pas juste évoquées juste à titre d’exemples, presque facultatifs dans une session droits humains et sida.
  • Yves Souteyrand rappelle que le principal frein à l’accès aux thérapies c’est le coût.
    A t-il pour autant parlé des génériques ? de responsables politiques ? évoqué une solution ?
    Un oubli fâcheux ou un manque de réalité, en matière de droits humains.
    Rien d’étonnant à cela quand on pense que la session droits humains s’achève sur l’aspect « coût efficacité », ou comment utiliser au mieux les ressources que les pays riches veulent bien allouer.
  • Tout cela semble bien flou… mais rassurons nous, l’initiative « the treatment 2.0 » existe. Elle veut optimiser les schémas thérapeutiques, promouvoir des technologies simplifiées, réduire les coûts, mettre en place des systèmes de santé adaptés. Tout cela, on n’en doute pas représentera un énorme progrès pour l’accès aux traitements pour tousTEs. Et puis si la stratégie the treatment 2.0 ne porte pas ses fruits, il y aura toujours des propositions telles que celle entendue dans la salle de l’ISHEID, pour financer l’accès aux traitements : « et pourquoi on ne taxerait pas alcool et cigarettes ? »
  • Oui, on parle bien de lutte contre le sida et de droits humains. Comme le disait Yves Souteyrand en début de session, « nous sommes loin de l’accès universel ». En termes de droits humains et sida, mieux vaut se fier aux activistes, qu’ils soient militantEs ou médecins, le principal étant d’être conscientEs des réalités et des vies qui sont en jeu.
  • Une conférence comme l’ISHEID est toujours un moment qui permet de porter des positions publiques grâce à sa médiatisation. Alain Lafeuillade, l’organisateur de l’ISHEID, a communiqué sur une question importante : l’extension de mise sur le marché américain (USA) de l’antirétroviral truvada (Gilead) dans une indication pour les séronégatifs dans un but de prévention de la transmission du VIH.
    Dans son communiqué de presse sur l’extension d’indication du truvada en prévention, qu’il juge être une manière absurde de faire face à l’épidémie, particulièrement dans un pays (USA) où seuls 28 % des personnes séropositives sont correctement traitées. Il souligne que des millions de personnes sont en train de mourir dans les pays pauvres car elles n’ont pas accès à un traitement et que l’extension d’indication va à l’encontre des principes fondamentaux de la santé publique.
    Ce dernier point, il le fait pour plusieurs raisons :
    -toutes les personnes malades ne sont pas traitées
    -la promotion de l’usage du préservatif[[Ici, il nous semble nécessaire d’ajouter un commentaire qui d’une certaine manière se différencie de l’interprétation d’Alain Lafeuillade. Premièrement, il n’y a pas 56 % des personnes dans l’essai qui sont infectées, mais une réduction du risque de transmission de 44 % grâce au truvada parmi les personnes qui y ont accès. En deuxième lieu, il souligne que dans la vie réelle il sera probablement plus compliqué -même avec des moyens d’accompagnement accrus, nous ajoutons- d’avoir de meilleurs résultats que dans le cadre d’un essai. Troisièmement, cela nous engage et pas lui, mais la déformation des résultats ou leur « optimisation » après retrait des données qui dérangent les promoteurs du truvada en prévention, c’est à dire les séronégatifs qui ne prennent pas le traitement antirétroviral comme des séropositifs doivent les prendre, avec une grande régularité, tentant de faire croire à une réduction de 90 %, qui n’est que théorique, consiste d’une certaine façon à faire croire qu’il serait possible de faire mieux en terme d’accompagnement en vie réelle que dans le cadre d’un essai, ou à dénoncer une faute lourde de la part des investigateurs de l’essai Iprex, d’où sont extraites les données utilisées pour l’extension d’indication, comme s’ils n’avaient pas fait le travail minimum de counseling. Pour aller plus loin, voir notre réaction à l’article de Renaud Persiaux dans Têtu. ]]
    -le fait que la majorité des plaideurs en Europe ne sont pas d’accord avec ce genre de business[[Nous le pensons même si la plus grande association française de lutte contre le VIH qui bénéficie d’un appui financier extraordinaire de la part des pouvoirs publics tient une autre position, pas nécessairement représentative, même si cet appui de l’Etat lui donne une audience considérable.]]
    -et last but not not least, que les décideurs devront assumer les conséquences de leur décision.
    La décision d’extension d’indication du truvada à la prévention est liée à un manque d’indépendance vis à vis des pouvoirs financiers, parmi d’autres…

Act Up-Paris reçoit des dons de firmes pharmaceutiques mais refuse les partenariats avec elles, et donc un fléchage des dons sur une activité particulière. Nous considérons ces dons comme une dette de sang des firmes envers les malades. À titre indicatif, Act Up-Paris a reçu en 2011 des dons de Boerhinher-Ingelheim, Gilead, Janssen-Cilag, MSD, Sanofi-Aventis & ViiV Healthcare.
Les militantEs présentEs à l’ISHEID bénéficient de bourses de la conférence.