L’expérience d’une militante d’Act Up-Paris prouve la désorganisation du dépistage du H1N1 et l’absence d’intérêt porté à l’impact de la grippe A sur les séropositifVEs
Act Up-Paris publie le témoignage de C., militante de l’association, et de son parcours du combattant pour obtenir un test de dépistage de la grippe A.
De retour d’une conférence internationale sur le sida qui se tenait en Afrique du Sud, C., militante d’Act Up-Paris, a développé des symptômes grippaux. Comme une de ses collègues, qui avait voyagé avec elle, venait de développer les mêmes symptômes, et que le généraliste avait diagnostiqué le virus H1N1 sur la base d’un examen clinique, C. a consulté un médecin, qui, outre des médicaments, lui a prescrit l’usage d’un masque chirurgical et un dépistage en laboratoire. Ce dépistage était indispensable, non seulement pour elle, mais aussi parce qu’elle avait côtoyé de nombreuses personnes immunodéprimées et qu’il était nécessaire de les avertir du risque éventuel d’avoir été infectées. Ce dernier fait était mentionné par le médecin dans sa prescription.
Parcours du combattant
En 48 heures, C. aura dû solliciter une pharmacie, 6 laboratoires d’analyse, 4 services hospitaliers parisiens, une polyclinique, le SAMU, la cellule de crise du Ministère des Affaires Etrangères et la plateforme Infogrippe. Personne n’aura été capable de lui fournir le dépistage et les masques pourtant prescrits par un médecin, ni de lui indiquer de façon fiable où en trouver. Les réponses faites témoignent d’une méconnaissance ou d’interprétations contradictoires des recommandations officielles.
Ce parcours du combattant aura contraint C. à faire de nombreuses démarches, alors qu’elle développait de forts symptômes grippaux. Parce que personne ne s’est avéré capable de l’informer, elle a été contrainte de se rendre, pour rien, dans certains services hospitaliers, ce qui, en termes de santé individuelle comme de santé publique, est une aberration.
Les séropos négligéEs
Le système mis en place n’est pas prêt à protéger les personnes les plus vulnérables. A plusieurs reprises, C. a rappelé à ses interlocuteurRICes qu’elle avait côtoyé les jours précédents des personnes séropositives, immuno-déprimées. A aucun moment, cet argument n’a incité ces professionnelLEs à recourir à un test de dépistage, et lever le doute sur les risques que couraient les personnes que C. avait rencontrées.
Au contraire, on lui a refusé, même en sachant ce fait, en lui indiquant qu’elle ne pourrait faire le test qu’en cas de maintien de symptômes graves, et qu’il en serait de même pour les personnes immuno-déprimées. Une fois de plus, les personnes vivant avec le VIH, pourtant parmi les plus vulnérables, sont totalement négligées par les pouvoirs publics.
De plus, cette recommandation montre clairement que la politique actuelle n’est pas une politique de prévention, mais une politique de gestion de crise dans un cadre de pénurie des moyens – puisque le seul motif de refus des tests est leur nombre limité. Or l’épidémie ne s’est pas déclenchée massivement en France. Limiter l’accès au dépistage aux seuls cas cliniques graves, notamment pour les personnes immuno-déprimées et celles qui les ont côtoyées, c’est se priver d’un outil qui permette à la fois de mieux prendre en charge les personnes les plus fragiles face à la grippe A, de prévenir l’expansion de l’épidémie et d’éviter la panique en permettant un diagnostic fiable.
Les autres enjeux sanitaires sacrifiés
Il y a trois mois, la ministre de la santé Roselyne Bachelot-Narquin réquisitionnait une partie du personnel de l’INVS (Institut National de Veille Sanitaire) habituellement affecté à la surveillance du VIH/sida, à la seule grippe A[[ Compte-rendu du comité de pilotage du plan d’élaboration nationale de lutte contre le VIH, réunion du 9 juin, pages 3 et 4. Document disponible sur demande.]]. Contactée par Act Up-Paris vendredi 31 juillet 2009, une représentante de l’Institut affirme que « les activités de surveillance présentant un enjeu de santé publique sont et seront maintenues », mais ne répond pas sur une éventuelle augmentation des moyens.
Au niveau du bureau sida de la DGS, un représentant nous explique le même jour que lui et ses collègues peuvent être réquisitionnéEs en cas de déclenchement grave de l’épidémie en France. Cela concerne le bureau sida comme d’autres services. De même, les crédits ministériels accordés à la lutte contre le sida, pourraient être réquisitionnés, comme d’autres crédits publics.
Or, s’il est indispensable d’appliquer le principe de précaution et d’anticiper des crises graves, il faut le faire avec cohérence. Les moyens financiers, énormes, dégagés jusqu’ici aboutissent à des résultats contestables comme le montre l’expérience de C. ou des réactions de médecins[[Voir par exemple les propos du professeur Gentilini : « 1 milliard d’euros pour une vaccination dont on ne sait strictement rien, c’est de la précipitation », juge le Pr Gentilini. « C’est quand même de l’argent qui peut servir ailleurs », estime-t-il. Il dénonce une situation « éthiquement inacceptable ».]].
Act Up-Paris rappelle enfin que les personnes les plus exposées vivent dans des pays où traitements et vaccins seront inaccessibles. Que va faire la France ? Que fait-elle pour assurer l’accès universel aux traitements pour 2010 comme elle s’y est engagée ? Quand Nicolas Sarkozy va-t-il enfin à se décider à augmenter la contribution française à la lutte contre le sida dans le monde ? Car les sommes financières que la France a su mobiliser pour payer l’industrie pharmaceutique en prévision de la grippe A le montre : la réponse financière à un problème sanitaire d’envergure ne dépend que de la volonté politique.
Act Up-Paris exige de la ministre de la Santé :
– qu’elle rappelle publiquement que les personnes vivant avec le VIH sont vulnérables à des épidémies de ce type, et que leur situation doit faire l’objet d’une attention particulière, notamment que le dépistage du H1N1 leur soit prescrit, à elles et aux personnes qui les ont côtoyées, plus facilement que ne l’indiquent les recommandations actuelles ;
– qu’elle assure la transmission d’une information fiable et cohérente aux professionnelLEs, mais aussi aux personnes immuno-déprimées et à leurs associations, afin que l’accès à un dépistage ou aux soins contre la grippe A ne soient pas un parcours du combattant ;
– qu’elle n’oppose pas les enjeux de santé publique entre eux et garantisse, budget à l’appui, que la lutte contre la grippe A ne sera pas un prétexte pour priver les autres secteurs sanitaires, notamment la lutte contre le sida, des moyens qui lui sont essentiels.
Act Up-Paris exige de Nicolas Sarkozy qu’il tienne ses promesses en matière d’accès universel aux traitements contre le sida dans le monde. Les personnes vivant avec le VIH, sans traitements alors que leur système immunitaire chute, sont parmi les plus exposées. Leur mort sera en partie due au fait que Nicolas Sarkozy a refusé d’augmenter la contribution de la France à l’achat de traitements qui auraient pu protéger leur système immunitaire.